Sur les réseaux sociaux, Yazid Ichemrahen donne l’impression d’un homme à qui tout sourit, évoluant dans les destinations les plus huppées et côtoyant célébrités et grands noms du milieu. Une vie bien loin de ce qu’il a connu petit.
L’enfance de Yazid Ichemrahen n’a pas été tendre. Avec un père absent et une mère maltraitante, le garçon est placé dès l’âge de 2 ans dans une famille d’accueil, chez “tatie et tonton”. “Leurs deux fils travaillaient dans des pâtisseries de la grande distribution, ils rapportaient chaque soir des gâteaux, j’ai grandi avec le goût de la pâtisserie populaire.”
Mais lorsqu’il est en foyer d’accueil, la vie est tout autre. “Un jour, un juge pour enfants m’a fait visiter la prison de Nanterre, j’ai préféré arrêter les bêtises et trouver du boulot.” C’est donc vers la pâtisserie qu’il s’oriente, d’abord dans des cantines scolaires des foyers, puis au sein de son collège. Par la suite, le jeune homme rejoint une boulangerie-pâtisserie où il apprend les bases du métier. Une expérience qu’il recommande toujours aujourd’hui aux jeunes qui se présentent à sa porte.
Son CAP en poche, il obtient un apprentissage chez Pascal Caffet, à Troyes (Aube), à 90 km du foyer d’accueil. Après cette première expérience, il décroche un poste de commis à la Pâtisserie des rêves, puis met le cap sur Monaco pour rejoindre les équipes de Joël Robuchon au Métropole en tant que sous-chef. Il a 19 ans et est à la tête d’une équipe de 27 pâtissiers.
Le plus jeune champion de coupe du monde des desserts glacés
Puis il se fixe un nouveau challenge : la Coupe du monde de desserts glacés, même s’il ne peut y participer qu’une seule fois dans sa vie. “À l’époque, chaque jour était une souffrance extrême, je ne savais pas si la pâtisserie allait suffire à me sortir de la galère dans laquelle j’étais. Je n’avais pas le choix d’être bon et de chercher le maximum, c’était une nécessité”, explique-t-il.
Il s’installe à Avignon (Vaucluse), s’entraîne la journée et officie le soir en tant que barman. C’est là qu’il fait la rencontre de l’entrepreneur Bernard Blachère, qui décèle son potentiel et le soutient lors de sa préparation. C’est ainsi qu’en 2014, Yazid Ichemrahen remporte la Coupe du monde de desserts glacés, à seulement 22 ans, devenant le plus jeune champion du monde de tous les concours confondus en pâtisserie. “La coupe du monde, c’est ce qui m’a fait tourner la page avec ma vie d’avant, les souffrances avec ma mère et tout ce qui allait avec”, souligne-t-il.
Depuis sa victoire, le jeune pâtissier a ouvert un réseau de huit magasins de glaces à Avignon et la pâtisserie Vernet avec Bernard Blachère. “C’est lui qui m’a donné la voie de l’entrepreunariat.” Un chemin qu’il a poursuivi de son côté en ouvrant plusieurs points de vente haut de gamme dans des destinations telles que Mykonos, Gstaad ou Courchevel.
Nouveaux défis parisiens
Cette année, Yazid Ichemrahen a fait ses débuts dans la pâtisserie de palace au sein du Royal Monceau - Raffles Paris, succédant à Quentin Lechat. Pour l’accompagner, il a choisi Alexandre Favre, ancien disciple et bras droit du chef Christophe Michalak. Leur credo : “Pas plus de trois ingrédients et trois textures dans un dessert”, afin de respecter au mieux le produit.
L’humain est également au centre de l’attention du pâtissier qui a instauré un management participatif. Ainsi, chacun est invité à venir en salle servir le dessert afin d’être en contact direct avec le client. “Soit ça les valorise, soit ça les remet en question, et surtout ça leur donne un sens le matin”, explique le chef.
En parallèle, Yazid Ichemrahen va également ouvrir une boutique Yazid Ichemrahen at Home, cet été, place des Victoires (Paris Ier). Un projet qui le réjouit autant qu’il l’inquiète après la fermeture de ses boutiques YTime en 2020 lors de la pandémie. “Ça fait des années que j’essaie de faire des projets à Paris et que ça ne marche pas”, rappelle-t-il. Affaire à suivre...
Publié par Ingrid BOINET