"Je me souviendrai toujours de ce dîner de novembre
2000, confie Vincent Labarsouque. Sous une pluie torrentielle, nous avions
fini par arriver à l'Auberge du vieux puits, une étoile Michelin à l'époque. Un
repas top ! J'avais bien accroché avec le directeur de salle, André Montauzeau.
Et puis, en 2001, lors de l'annonce de la seconde étoile, j'ai tenu à les
féliciter. Nous sommes restés en contact. Un an plus tard, on se voyait pour un
entretien qui a duré deux heures, dont quinze minutes seulement pour le travail."
Vincent Labarsouque, devenu directeur de salle, avoue avoir eu davantage un
coup de coeur pour la maison et ses propriétaires, Marie-Christine et Gilles
Goujon, que pour la destination, Fontjoncouse, un village de 130 habitants
situé à 30 km de Narbonne et 60 km de Carcassonne. À l'été 2002, il s'installe
dans les Corbières avec sa femme, Carine,
et leurs deux enfants. Le rythme est soutenu, dans l'euphorie de la deuxième
étoile Michelin. Ancien employé de Marc Veyrat, il est habitué au service
haut de gamme, à la précision et à la rigueur. Il retrouve deux valeurs qui lui
sont chères, la convivialité et la simplicité. Cinq ans plus tard, Vincent
Labarsouque est promu directeur de salle. En 2010, l'établissement obtient la
troisième étoile Michelin. "Une consécration et une joie pour toute l'équipe",
se remémore-t-il. Depuis son arrivée, l'Auberge a bien évolué : l'équipe
de salle est passée de dix à quatorze personnes. "Chacun a un rôle au sein de la maison. J'aime quand les choses sont
bien structurées."
En mai, après quatre
mois de fermeture, le restaurant a rouvert, métamorphosé. La salle est plus
ouverte, épurée, avec des murs blancs dans un style contemporain. Lustres
pieuvres, feuilles blanches au mur, photos enjouées du chef font partie d'un décor
ludique qui fait écho à la cuisine du chef. La cave à fromages, qui existe
depuis quatre ans, est davantage mise en valeur. Marie-Christine et Gilles
Goujon, avec l'aide de la décoratrice Laurence
Mancuso, ont également voulu que la circulation du personnel et des clients
soit facilitée. Seule une console - éclairée au plafond par un goujon,
logo de l'établissement - trône au milieu de la salle, sans oublier les
guéridons. La capacité, de 50 places assises, est restée inchangée.
Un service
participatif
Dans
ce nouveau décor, Gilles Goujon aime toujours autant jouer avec le client. "Nous
sommes là pour apporter une bouffée d'oxygène au client, pour qu'il apprécie,
au-delà de la cuisine, l'ambiance du lieu", explique Vincent Labarsouque. À
table, dans une atmosphère détendue, le service se veut participatif. Le
personnel tend un mini-marteau au client pour qu'il brise lui-même la perle d'où
se dégage une odeur de fumée, en accompagnement de l'huître. Il doit aussi séparer
l'oeuf pourri en deux (le jaune s'échappe)
pendant que le serveur râpe de la truffe noire dessus. Celui-ci sert également
les jus à l'anglaise, comme celui qui dissous la fausse coquille d'oeuf
(comestible).
Le
chef s'attache à garder au moins une technique à la carte : en juillet
dernier, par exemple, c'était la découpe de la rascasse. Sans oublier les
finitions : la préparation de l'oignon en accompagnement d'un plat, par
exemple. "J'aime cette proximité, plaisanter, oser avec le client, indique
Vincent Labarsouque. Gilles, qui vient souvent en salle, et Marie-Christine,
me laissent carte blanche. Je
suis aussi chargé du jardin de la maison. C'est tout le charme d'une petite
structure et de travailler pour un chef-patron, on doit être polyvalent."
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Les arts de la table
Exit les nappes
blanches. Les tables, réalisées sur mesure par un ébéniste, possèdent un
plateau en chêne clair avec piétement en métal. Selon leur disposition, le
format du plateau diffère. À chaque place, il y a un cercle de corian où se
trouve une encoche afin d'y planter le couteau de Nontron (dessiné par Éric Raffy) sur quelques centimètres. "L'idée
m'est venue de mon grand-père qui, dans sa ferme, plantait son couteau dans la
table pour signifier que le repas était terminé", explique Gilles Goujon. Une fourchette en
argent, une serviette blanche pliée en deux, deux verres à pied et à eau
Spiegelau complètent la vaisselle, avec au centre, une ménagère sel-poivre et
fleur de sel. Le midi, il n'y a pas de décoration de table ; le soir, un
photophore est allumé.
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La sommellerie
En
huit ans, Florian Guilloteau est
passé d'apprenti à chef sommelier à L'Auberge du vieux puits. Il propose une
carte des vins basée à 65 % sur le Languedoc-Roussillon, "contre
80 % à [s]on arrivée". Et le Tourangeau d'insister : "Il y a d'autres
régions à découvrir, les Pays de Loire, ma région natale." Il privilégie
les achats en direct, au domaine. "J'aime les vignerons qui ont une idée
raisonnée sur leur vin, qui signent un millésime, qui comprennent leur
terroir." La cave compte 1 200 références (dont dix étrangères).
La carte est présentée dans un coffret et répertoriée par couleurs, avec trois
domaines par appellation et millésime. La première bouteille est à 70 €, le
verre à 15 €. Son accord vin avec l'Œuf pourri, plat signature du
chef : un AOC Corbières Château Ollieux Romanis blanc 2012.
Publié par Hélène BINET