Ce n’est pas la première fois que Dominique Marcel met en garde les professionnels : oui, le tourisme est un atout considérable pour la France mais “il ne faut pas se reposer sur nos lauriers et être lucide quant à la concurrence des pays voisins”. Car, malgré une année 2024 riche en évènements – Jeux olympiques et paralympiques bien sûr, mais aussi 80e anniversaire du débarquement, réouverture de Notre-Dame de Paris… -, les résultats enregistrés dans l’hébergement marchand sont très contrastés selon les gammes et les destinations.
Le président de l’Alliance France Tourisme s’appuie pour l’affirmer sur le bilan annuel établi par le cabinet MKG, présenté le 13 janvier à Paris. Si l’activité est en légère hausse, avec un RevPAR de + 1,6 % sur l’année, elle a principalement été réalisée dans les hôtels haut de gamme et luxe, en Île-de-France (sauf Paris), sur tout le littoral méditerranéen (notamment Nice et Cannes) et dans les Hauts-de-France.
À l’inverse, l’année a été plus difficile pour le milieu de gamme et l’économique, dans les autres régions notamment la façade atlantique, à l’exception de la Normandie. Le taux d’occupation est lui en baisse de 1 % (à 65,6 %) et le prix moyen est en hausse de 3,2 % (à 123,7 €). Le marché a “atteint un plateau”, poursuit Dominique Marcel, avec une baisse en volume et une augmentation des prix qui se ralentit.
Dépassée par l’Europe du Sud, la France doit "capitaliser sur l'effet JO"
La situation est toutefois préoccupante en comparaison avec nos voisins européens, insiste le dirigeant : l’Espagne, l’Italie et la Grèce enregistrent des augmentations de RevPAR plus élevées que la France, l’Europe du Nord poursuit son rattrapage post-covid et les marchés émergents (Pologne, Tchéquie, Lettonie) gagnent du terrain. Car dans ces pays, “l’industrie des services, et notamment du tourisme, est devenue une priorité“, explique Vanguelis Panayotis, président de MKG.
Pour garder sa place face à cette concurrence, la France doit absolument "capitaliser sur l’effet JO" et ce, sur la durée, mais aussi élever la qualité de son offre en investissant dans le secteur, poursuit ce dernier. Il est essentiel d’avoir un parc hôtelier en bon état, qui puisse garantir le meilleur rapport qualité-prix et proposer suffisamment de chambres aux voyageurs (le pays en compte 600 000, contre un million en Italie par exemple). Malheureusement, l’environnement local est très complexe, regrette-t-il, ce qui dissuade les investisseurs potentiels.
Le nécessaire "pilotage collectif" du tourisme
De plus, l’incertitude économique et l'instabilité politique de ces derniers mois pèsent sur les décisions d’achat des Français, qui représentent 75 % des recettes du tourisme du pays. L’impact s’est d’ailleurs ressenti dans les hôtels économiques et milieu de gamme, majoritairement fréquentés par la clientèle nationale et affaires.
Enfin, face aux très bons résultats enregistrés dans les destinations et les hôtels haut de gamme, majoritairement fréquentés par une clientèle internationale fortunée, il est désormais essentiel de s’interroger sur l’accessibilité des vacances pour les Français. “C’est un sujet majeur. Il est de plus en plus difficile de trouver une bonne hôtellerie familiale, qui soit ouverte au plus grand nombre, dans certaines destinations. Cette situation peut aussi nourrir un sentiment contre le secteur.”
Dans cet environnement complexe, le tourisme doit faire l’objet d’une politique claire, avec une structure dédiée et un pilotage collectif qui permette “de réfléchir et d’agir pour le développer et le promouvoir”. C’est d'ailleurs le message que Dominique Marcel allait transmettre à Nathalie Delattre, secrétaire d'État chargée du Tourisme, lors d’une rencontre prévue dans la journée :“Le tourisme est une chaine de valeur, avec de multiples acteurs, et un maillon manquant peut atteindre l’ensemble de la chaîne.”
Publié par Roselyne DOUILLET