Le priestley est l’une de mes inventions, qui date d'avant 2008. Pour comprendre ce que c’est, partons de la crème anglaise. C'est une sauce un peu épaisse que l'on obtient classiquement en battant du jaune d’œuf avec du sucre, jusqu’à ce que la préparation prenne une consistance lisse, plus blanche : on dit que la préparation doit ‘faire le ruban’. Puis on ajoute du lait et toutes sortes de produits qui contribuent au goût de la préparation, et l’on cuit, en faisant des huit au fond de la casserole jusqu’à ce que la crème épaississe.
Longtemps, la crème anglaise a été fautivement décrite comme une émulsion chaude… alors qu’il s’agit d’une ‘suspension’. Suspension ? C’est le nom que les physico-chimistes donnent à des systèmes physiques faits d’une phase liquide, où sont dispersés des solides de très petites tailles, ce que l’on nommait naguère des dispersions ‘colloïdales’ (de kolla, la colle).
Or, les crèmes anglaises sont des suspensions, parce que l’œuf coagule quand on le chauffe : la raison pour laquelle la crème prend, c’est précisément que l’œuf coagule, et l’on voit d’ailleurs, au microscope, une myriade de petits agrégats solides, dans le liquide. Autrement dit, une crème anglaise réussie est pleine de grumeaux microscopiques. Le grumeau n’est dérangeant que lorsqu’il est perceptible.
De la crème anglaise aux priestleys
Sur cette base, j’avais observé que, pour faire une crème anglaise, il faut de l’œuf, qui apporte des protéines, et un liquide. Le liquide, c’est le lait, classiquement, mais tout autre liquide convient. Et le sucre est là pour donner une consistance sucrée, mais guère plus.
Bref, il nous faut un liquide et des protéines. Des protéines ? Les viandes en sont pleines, tout comme les poissons ! Apprenons à broyer finement ces tissus musculaires, et nous récupérerons des protéines en solution. Plus exactement, la quantité de protéines récupérables dans un tissu musculaire broyé sera deux à trois fois plus concentrée que dans un blanc ou que dans un jaune d’œuf.
À cette chair broyée, ajoutons un liquide : celui que l'on veut convient, en salé ou en sucré. Puis un peu de matière grasse que l'on émulsionne pour retrouver celle de la crème anglaise, qu’elle soit apportée par l’œuf ou par le lait. Puis chauffons, doucement : les protéines coaguleront et la crème prendra.
C’est cette crème que j’ai nommé priestley, du nom du chimiste et théologien britannique Joseph Priestley (1733–1804), qui isola de nombreux gaz, tel l’oxygène, et qui comprit également son rôle dans la combustion, ainsi que dans la respiration des végétaux (1775). Cependant, partisan de la théorie erronée du phlogistique, il nomma ce nouveau gaz l'air déphlogistiqué et ne comprit l'importance de sa découverte. Puisque les nouvelles crèmes étaient dérivées de la crème anglaise, et puisque je donne des noms de chimiste à mes inventions, j’avais décidé d’utiliser pou cette invention le nom de ce chimiste anglais.
Et mon ami Pierre Gagnaire a été le premier à servir mon invention en cuisine, puisque depuis vingt ans, c’est notre jeu amical : j’invente un nouveau type de préparation, et il la transpose “en art culinaire”
#priestley# Pierre Gagnaire
Publié par Hervé THIS