"J'ai mon caractère, mon franc-parler. Mais la cuisine, ce n'est pas de l'à peu près." Yorann Vandriessche est ce que l'on appelle un homme entier et son parcours professionnel l'atteste. Même s'il reconnaît ne pas avoir fait de 'grandes maisons', il s'est imposé lui-même l'exigence qu'auraient pu avoir envers lui ses pairs. Question d'atavisme sans doute. Si la passion de la cuisine lui est venue très tôt, peut-être la doit-il à un grand-père chef de cuisine à Lille. La détermination, il l'a héritée de son père, qui, alors que son fils prépare son CAP, rachète, pour lui offrir un jour une affaire. C'est un ancien café perdu dans la campagne, sur le parcours pavé du Paris-Roubaix. Pendant dix ans, il remontera les murs, ouvrant une fois l'an, le jour de la course cycliste, pour conserver la licence IV, alimentant ainsi la légende de l'établissement.
Alors qu'il s'apprête à baisser les bras devant l'ampleur de la tâche, son fils, qui a entre temps occupé différents postes à Lille et en Belgique, décide de reprendre l'Arbre. "Je rêvais de faire de la cuisine gastronomique, mais à 27 ans, j'étais trop jeune pour cela." Ce sera donc un estaminet, mais "le plus beau du Nord". Pari gagné : en presque dix ans, l'Arbre devient florissant. On fait la queue le week-end pour obtenir une table et certains jours, on tourne à 500 couverts sur trois services.
Une cuisine exigeante
En 2007, Yorann Vandriessche décide soudain de tout arrêter. Il n'a pas oublié son rêve de gastronomie : il veut revendre l'estaminet et créer un nouvel établissement. Mais il n'obtient pas le soutien des banques. Il se résout alors à transformer l'Arbre, contre l'avis de tous. "J'ai perdu 100 % de ma clientèle et vécu un an de galère", raconte-t-il. Il ne déroge pourtant pas à sa ligne de conduite, affinant une cuisine basée sur l'exigence des produits et surtout très inspirée par la mer, sa grande passion.
L'attribution d'un Bib gourmand en 2010 lui donne raison. "Mon objectif était d'être au moins référencé par le Michelin", note-t-il. La perte du Bib en début d'année le fait vaciller. "J'ai passé un mois à me demander si on était mauvais". L'étoile l'a rattrapé au vol. Yorann Vandriessche la dédie à son père, parti trop tôt vers d'autres étoiles sans voir l'ascension de son fils.
Publié par Marie-Laure Fréchet