Payer les salaires de mars, attendre les remboursements, régler ses factures, convaincre son banquier, trouver les bons interlocuteurs dans les administrations, tout en se demandant quand ce cauchemar prendra fin, c’est le lot commun des restaurateurs depuis le 15 mars. Après le discours d’Emmanuel Macron lundi dernier, qui maintient la fermeture des restaurants au-delà du 11 mai et jusqu’à une date toujours inconnue, les paris oscillent entre juin et juillet. Mais dans quelles conditions ?
Stéphane Jégo s’interroge : « Comment tenir jusqu’en juin ou juillet ? Et quand on pourra rouvrir, les gens vont-ils répondre présent ? La baisse des revenus, c’est une perte de pouvoir d’achat. Ne vont-ils pas reléguer la restauration au 2ème ou 3ème rang de leurs priorités ? Et il faut tenir compte de la psychose ambiante autour du coronavirus ! Quelles seront les obligations ? Quelle distance entre les clients ? Devra-t-on servir avec des masques ? Des gants ? ».
De toutes ses interrogations, le chef-patron de l’Ami Jean a tiré une conclusion : son restaurant ne survivra pas s’il ne réinvente pas son modèle. « Pour être à l’équilibre, mon entreprise qui compte 15 employés et 3 apprentis, doit faire un chiffre d’affaires de 9000 euros par jour. Cela permet juste de couvrir les salaires, de payer mes 150 fournisseurs et les charges. Depuis la fermeture, la dette totale se monte donc à ce jour à 180 000 euros. »
Le restaurant parisien réalisait 120 à 130 couverts/jour avec un ticket moyen de 60 euros le midi et 90 le soir. Dans la salle, les tables sont très proches l’une de l’autre, pour une ambiance bistronomique et chaleureuse. En laissant un mètre de distance entre chaque table et la perte de clientèle (50% de sa clientèle était étrangère. Là encore, il ne faut pas compter sur leur retour), le restaurateur estime qu’il n’atteindra que 25% de son chiffre d’affaires. « Avec une trésorerie totalement étiolée par la fermeture, comment rouvrir en maintenant tous les emplois ? Comment se réapprovisionner sans un minimum de liquidités ? »
Depuis des semaines, Stéphane Jégo a les assurances en ligne de mire. Ulcéré de les voir refuser de couvrir les pertes d’exploitation, il a lancé une pétition sur change.org et multiplié les appels à la mobilisation sur les réseaux sociaux et dans les médias. Aujourd’hui, il demande l’ouverture du dialogue. Ses propositions ? La création d’un fonds dédié à la perte d’exploitation, la prise en charge du différentiel des salaires et une aide pour la reconstitution de nos stocks, le tout par les assurances. «On ne peut pas attendre de voir les petits déposer le bilan sans rien faire ». Son message ? "Face au lobby des assurances, je vous demande, de consacrer une minute sur vos réseaux pour relayer cette détresse. Ensemble, nous pouvons nous adresser chaque jour à des millions de personnes. Faites que nos voix atteignent notre gouvernement. Unissons-nous, car peu importe notre talent, sans client demain, à quoi cela servira-t-il ?"
En parallèle, Stéphane Jégo cherche des solutions pour réinventer L’Ami Jean qui n’aura plus de 25 couverts au lieu de 55. Il imagine monter plusieurs activités avec des plats en vente à emporter et livraison, de l’épicerie, des paniers de producteurs, des repas privés. « Il faut trouver des solutions. Je n’ai pas le choix ».
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Publié par Nadine LEMOINE