"À l'avenir, nous mangerons de plus en plus en dehors du foyer", affirme Frédéric Loeb, délégué général du World Cuisine Summit, lors d'une conférence qui s'est tenue après l'assemblée générale du Snarr. "Nous vivons dans un monde digital : 4 milliards de personnes ont un téléphone portable. Les [consommateurs] sont mieux informés avec internet. Pour les conquérir, il faut autant leur offrir un service parfait que partager une expérience." Pour lui, pas de doute, la restauration devient "déstructurée, à l'image de ce qui se fait en Asie. C'est bien le modèle du futur.". Il faudra également concilier raréfaction des ressources, nutrition, goût et budget dans un monde qui se globalise. La combinaison du développement durable, de la santé et de l'expérience sensorielle est au coeur du marché.
"Or, la restauration française est à côté de ses pompes, et ringarde !" accuse Frédéric Loeb. "Le vrai besoin est celui de consommer de saison et frais, nous voulons manger hyper-locavore. De plus, le premier critère de sélection d'un restaurant est la convivialité." Et de citer une étude selon laquelle "42 % des sondés pensent que le Japon est le pays de la nourriture-santé ; 38 % préfèrent l'Asie du Sud-Est pour son exotisme, et les cuisines américaine et italienne incarnent la modernité, c'est-à-dire une cuisine facile et rapide."
" Etre modeste, simple et sincère "
Pour optimiser sa journée, il conseille aux restaurateurs d'offrir deux expériences différentes à leurs clients. Le midi, privilégier le fast-good, soit une nourriture rapide et saine, avec moins de produits à la carte mais que ceux-ci soient de qualité. Le soir, il s'agit de proposer une tout autre offre, avec du rêve, de l'amusement. Frédéric Loeb affirme aussi : "Il y a beaucoup à faire avec une carte de fidélité, via les téléphones mobiles par exemple. Vous n'allez pas assez loin. Le Groupe Flo a réalisé 35 % de son chiffre d'affaires en 2012 avec [sa carte]." Et il s'insurge : "Il y a trop de design et de marketing partout ! Retournez à l'essentiel : être modeste, simple et sincère. Par exemple, je me souviens de la pizzeria Roberta's, à Brooklyn, qui a été ouverte dans un hangar et utilise des chaises de camping pour sa terrasse. [On y sert pourtant] les meilleures pizzas." Se différencier, être créatif et transparent seraient (peut-être) les clés du succès.
Des repas simplifiés
Pascale Hebel, directrice du département consommation du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Crédoc), constate que "la nouvelle génération a moins de temps et moins d'argent à consacrer à l'alimentation. Selon la période à laquelle on est né, on consomme différemment. De 1927 à 1936, c'est la génération réfrigérateur ; de 1947 à 1956, la génération hypermarché ; de 1967 à 1976, la génération low-cost ; de 1977 à 1986, la génération plateau-repas ; de 1987 à 1996, la génération nomade ; et 1997 à 2006, c'est bien la génération ordinateur ! L'effet générationnel est défavorable aux dépenses en alimentation."
Avec une dépense moindre, les jeunes privilégient les produits transformés au détriment du frais. C'est pourquoi il y a un fort engouement pour le nomadisme. Les repas sont simplifiés : seulement 25 % de la tranche des 18-24 ans optent pour trois plats, contre 53 % pour les 65 ans et plus. "La jeune génération préfère un plat unique : le burger et le sandwich sont donc privilégiés", précise Pascale Hebel. Preuve à l'appui : la part des sandwichs est plus forte chez les 20-24 ans (23 %). Cependant, elle progresse entre 2007 et 2010 pour toutes les tranches d'âges. Dans un contexte de crise économique, les dépenses alimentaires deviennent une variable d'ajustement, les repas sont de plus en plus simplifiés. Néanmoins, les jeunes "sont désireux d'une alimentation saine, plus frugale, avec une meilleure diversité alimentaire. Ils aiment manger à plusieurs et partager." Hélène Binet
Publié par Hélène BINET