Réussite : Yves Camdeborde : "J'ai toujours refusé les modes"

Paris (75) Rien ne compte plus pour le chef-restaurateur et hôtelier que d'incarner sa maison et de transmettre sa philosophie à ses équipes.

Publié le 13 avril 2016 à 11:34

"J'ai travaillé à La Tour d'argent, La Marée, au Ritz, au Crillon et puis à 25 ans, je me suis rendu compte que j'avais envie de vivre avec ma génération. J'avais l'impression de jouer un rôle et je voulais me retrouver. J'ai écrit tout ce que j'aimais quand j'allais au restaurant, de l'apéritif au dessert à la bouteille de vin et les 500 F pour deux que je dépensais. C'est exactement ce que je voulais, avec la gentillesse et la politesse du service. L'ambiance et l'esprit 'restaurant d'auteur' me semblaient indispensables. J'ai trouvé le lieu de La Régalade [Paris, XIVe], où il y avait tout ce qu'il me fallait : une cuisine de plain-pied et la possibilité d'avoir l'oeil sur tout et d'imprégner les murs de ma philosophie… C'est parti sur les chapeaux de roues ! Le monde entier comme les politiques venaient, cela nous a dépassés et, en même temps, il y avait une mixité sociale. Tous les clients se sentaient à l'aise, car tous étaient traités de la même façon. On était axé sur la convivialité et on se démenait pour qu'ils soient heureux. J'ai toujours refusé les modes. En 1996, les réservations étaient prises sur un an, c'était comme une euphorie. On était fier, mais on restait lucide. Tous les matins, je me disais : 'ça peut s'arrêter'.

"La trouille de la lassitude"

En 2003, j'étais devenu indispensable au restaurant et j'ai eu peur de me lasser. Je l'ai vendu à Bruno Doucet et j'ai remplacé pendant un an des copains chefs quand ils en avaient besoin. J'ai réfléchi à ce que je voulais : un bon emplacement et une valeur marchande. J'ai alors pensé à un hôtel. J'ai décoré le Relais Saint-Germain à mon goût, j'avais envie de m'y sentir comme chez moi, avec l'idée d'un art de vivre à la française et d'une pension de famille de luxe… Dans la tradition, ce qui était ringard à l'époque. Au bar, on n'a rien changé pendant six mois et on a vu la diversité de la clientèle, les différents budgets, les demandes… On a fait le choix d'une brasserie ouverte non-stop pour capter le plus de clients possible et où je suis resté cuisinier. On a eu l'idée du gastronomique le soir et c'est ce qui nous a permis de remplir l'hôtel. Les dix dernières années, la clientèle américaine et japonaise est venue sans que l'on fasse quelque chose. On n'a pas fait le travail auprès des clients français et maintenant que la clientèle étrangère ne vient plus, on ressent une petite baisse. Avec les Avant-Comptoir, c'est une clientèle française et de proximité que l'on capte.

"L'équipe, c'est le  plus important avec le produit"

Je suis contre le travail gratuit et quand j'ai créé La Régalade, je ne voulais pas gagner moins qu'au Crillon. Le restaurateur est aussi commerçant, on doit savoir compter et ne pas voler les clients, pour cela, on portionne, on écrit au tableau, on pèse. Je gagne ma vie et je paye décemment mes employés. Je fais d'ailleurs tout le recrutement. Les personnes qui entrent ici savent à qui elles ont à faire, cela crée l'âme d'une maison. La fidélité des équipes, c'est la force du restaurant. Cela se construit un peu chaque jour, avec les défauts et les qualités de tout le monde. Le respect de son métier, c'est la rigueur et la discipline, mais ça n'empêche pas de penser. Aujourd'hui, c'est la confiance en soi, la responsabilisation et la fierté de la tâche accomplie qu'il faut savoir transmettre. Nous allons va dépasser les 60 employés, et je le vis moins bien. La transmission se fait par l'intermédiaire des chefs de service, mais je maintiens par la présence, la présence et encore la présence."


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Publié par Caroline MIGNOT



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