"Mon intérêt pour l'hôtellerie relève du hasard. La Caisse des dépôts, pour laquelle je travaillais, m'a nommé à la Compagnie des wagons-lits, et cette dernière a été rachetée par Accor. C'est donc une série de nominations et de rachats qui m'a conduit dans le groupe Accor, où j'ai occupé différents postes. Ma véritable rencontre avec l'hôtellerie date de 1998, époque à laquelle Paul Dubrule, qui venait de céder la présidence du groupe Accor à Jean-Marc Espalioux, a souhaité créer une nouvelle chaîne hôtelière. Je me suis alors inspiré de ce qui se faisait aux États-Unis et j'ai proposé une chaîne de moyens séjours, Suitehotel, dont j'ai pris la direction.
Fin 2007, j'ai quitté le groupe Accor pour voler de mes propres ailes. La première personne à qui j'ai parlé de mon projet a été Paul Dubrule, qui m'a proposé de m'accompagner dans cette aventure. Il est depuis le premier jour mon partenaire à parts égales dans Okko Hôtels.
Pour nous, la crise a été une mauvaise surprise. Les financements se sont écroulés, la frilosité des banques était extrême, et j'ai dû reprendre à zéro les schémas financiers que j'avais montés… J'ai perdu deux ans.
S'adapter aux évolutions sociologiques
Okko est une chaîne d'hôtels 4 étoiles de centre-ville, qui s'adresse aux voyageurs d'affaires individuels pour des courts séjours. Paul Dubrule m'a toujours dit que, si on veut être bon, il faut se concentrer sur une seule cible.
Okko n'est pas aussi révolutionnaire que l'on veut bien le penser, même si cette marque comporte une multitude de petits changements. Tout comme Paul Dubrule et Gérard Pélisson l'ont fait avec les différentes marques d'Accor, notre concept s'adapte aux évolutions sociologiques du moment. Nous avons regardé les études concernant l'hôtellerie française. Il en ressort que l'hôtellerie n'est pas au niveau, qu'elle ne se modernise pas, que les bâtiments sont mal entretenus, que l'hospitalité est désastreuse et que le rapport qualité-prix ne cesse de se dégrader. Par ailleurs, l'arrivée des boutique-hôtels répond à un certain ennui face à l'uniformité des chaînes hôtelières, et à une transformation fondamentale, à savoir le passage d'une hôtellerie de périphérie à une hôtellerie de centre-ville avec le développement généralisé du TGV en France. Cela bouleverse beaucoup de choses dans la conception de l'hôtellerie et son modèle économique.
Liberté et flexibilité
Pour donner une personnalité forte à nos hôtels Okko, nous avons fait appel à un designer, Patrick Norguet. Nous avons créé le club, un espace à l'ambiance feutrée et amicale, où l'on peut se restaurer et se rafraîchir à tout moment, et où le personnel est disponible 24 heures sur 24. "On se sent comme chez soi", nous disent les clients. En effet, ils jouissent de la même liberté. Ils peuvent se servir un soda en ouvrant le frigo, sans avoir à payer : tout, sauf l'alcool, est inclus dans le prix de la chambre. Nous avons également fait en sorte que toutes les démarches de check-in et check-out soient supprimées. Cela modifie les relations entre les équipes et la clientèle. On n'est plus dans une relation marchande ou dans la contrainte, mais dans l'hospitalité pure.
Aujourd'hui, nous comptons trois hôtels à Nantes, Grenoble et Lyon. Trois autres établissements sont en construction et vont ouvrir au cours du premier semestre 2016 à Rueil-Malmaison, Bayonne et dans la gare de Cannes. Nous avons une dizaine d'autres projets signés en cours d'instruction, à la porte de Sèvres en 2017, à Paris Montparnasse en 2018, à l'intérieur de la gare de l'Est à Paris en 2019… Notre objectif est de développer la chaîne de façon raisonnable, avec en moyenne cinq ouvertures par an, afin d'avoir une cinquantaine d'établissements d'ici dix ans. C'est la bonne taille pour un réseau d'établissements de centre-ville sur l'Hexagone. Nous préférons en effet rester un petit groupe libre et flexible, qui ne soit pas coté en bourse."
Publié par Propos recueillis par Violaine Brissart
mardi 7 avril 2015