Ouvrir un restaurant dans la province anglaise au
début de l'année 2008, soit tout juste quelques mois avant la crise financière,
aurait pu aboutir à un désastre. Pourtant, sept ans plus tard, alors que le
nombre de restaurants en faillite au Royaume-Uni a encore augmenté de 20 %
cette année*, le bistrot La Place est une entreprise rentable et incontournable
à Winchester, une ville de 120 000 habitants située à une centaine de
kilomètres au sud-ouest de Londres. Ouvert 7 jours sur 7, l'établissement
emploie une vingtaine de personnes, affiche un menu entrée-plat-dessert à 17 £
à midi (24 €), avec un ticket moyen de 23 £ (environ 32 €).
Pas sûr que Gaël Pes, chef-patron autodidacte de La
Place, ait planifié sa réussite lorsqu'il acceptait près de vingt-cinq ans plus
tôt son premier emploi de barman. "À 17
ans, j'avais hésité à faire l'école hôtelière. Pendant l'été j'ai décroché un
job de barman au Beau Rivage. Dans la foulée on m'a proposé un poste à l'année.
J'ai accepté", se souvient le Marseillais de 44 ans. Après quelques
saisons, il tente d'embarquer sur un bateau de croisière. "À l'époque, c'était lucratif. Mais j'ai été refoulé à cause de mon
niveau d'anglais, pas assez bon", raconte-t-il. C'est ce qui le motive à
traverser la Manche. Répondant à une annonce publiée dans L'Hôtellerie Restauration,
il trouve une place de barman dans un hôtel au sud du pays de Galles. L'environnement
est calme dans cette petite ville de 40 000 habitants, à vingt
minutes de Cardiff. Et surtout, il y a peu de français. L'idéal pour apprendre
rapidement l'anglais. "Souvent, les
jeunes français se mettent en colocation avec d'autres français. C'est une
erreur car cela ralentit considérablement l'apprentissage de l'anglais,
pourtant essentiel de notre métier de service", alerte le chef d'entreprise
qui avoue aujourd'hui éviter d'embaucher de jeunes fraîchement débarqués de
France, estimant qu'ils ne sont pas assez opérationnels sans une première
expérience de travail en milieu anglo-saxon.
Qualité et décontraction
Une fois la langue de Shakespeare suffisamment maîtrisée,
Gaël Pes quitte la campagne galloise et gagne la campagne londonienne, plus
riche, plus dynamique. L'idée d'ouvrir son propre établissement commence à
germer. Après cinq ans en tant que responsable de salle dans un restaurant d'une
bourgade huppée du Hampshire, il propose au propriétaire de l'établissement de
s'associer pour créer 'Le café de Paris' à Winchester. Ancienne capitale de l'Angleterre,
cette ville se démarque par son dynamisme et son potentiel de développement sur
ce segment. Ouvert en 2003, ce bistrot d'une soixantaine de couverts, lui met
le pied à l'étrier. Il revend ses parts quatre ans plus tard, pour ouvrir La
Place, où il allie cuisine française de qualité et décontraction. En 2008, l'ouverture
s'est faite en association avec un ami barman français, et avec l'appui d'un
investisseur privé en complément d'un crédit bancaire. Aujourd'hui, l'investisseur
est remboursé, et Gaël, l'associé majoritaire aux côtés de son chef de cuisine
qu'il vient d'impliquer à hauteur de 20 %.
*selon un rapport de Moore Stephens. Le nombre de
faillites avait déjà augmenté de 15 % en 2013-2014.
Publié par Tiphaine BEAUSSERON