"À onze ou douze ans, j'adorais recevoir. Et comme je n'aimais pas du tout l'école et que j'étais très dissipé, ma mère s'est dit que l'école hôtelière serait une bonne chose pour moi. Je suis donc entré à Médéric [Paris, XVIIe] à quinze ans pour y faire un bac hôtelier et un BTS de gestion hôtelière. Ma mère a choisi pour moi et elle a bien choisi. Plus que l'école, j'appréciais faire des extras. Quand tous les copains étaient en vacances d'été, je travaillais. L'avantage ? Aujourd'hui, j'ai 33 ans et 18 ans d'expérience dans le métier.
Après mes études, j'ai passé quelques mois au Georges avant de rejoindre l'Hôtel Costes comme serveur. J'y suis resté trois ans, six mois comme serveur et deux ans et demi comme manager. Puis j'ai monté mon restaurant avenue George V, avec un associé. J'avais 26 ans, pas assez d'expérience, et ça s'est mal passé. J'ai compris qu'il me manquait pas mal de choses... J'avais notamment des lacunes en cuisine, sur le vin et en management. Et il fallait que j'apprenne à recruter les bonnes personnes. Au bout de huit mois, fin de l'aventure. Je pars alors à New York, où j'arrive à obtenir un poste de maître d'hôtel et un visa pour travailler à la James Beard Foundation, un club gastronomique. J'organisais un dîner 'wine pairing' [accords mets et vins] différent chaque soir. Cette expérience m'a vraiment ouvert l'esprit. À côté, comme j'avais pas mal de temps libre, je me suis inscrit au Court of Master Sommeliers, j'ai fait un tour du monde des vignobles, rencontré des vignerons et obtenu mon certificat de sommelier.
"Gros moment de doute"
Mais ma famille me manquait et je suis donc rentré. Le retour a été difficile… J'ai fait du conseil pour Le Ralph en tant que sommelier, travaillé pour le groupe Lenôtre, puis je suis retourné voir Jean-Louis Costes, qui m'a embauché pour faire l'ouverture du Lily Wang. C'était ma première ouverture et j'ai énormément appris mais j'ai eu des divergences avec l'associé et j'ai donc décidé de monter mon restaurant. J'ai trouvé une affaire à vendre à 120 000 €. J'avais réuni 20 000 € et j'ai trouvé un associé pour me suivre et me permettre de me lancer sans prendre de crédit. L'Office a ouvert en novembre 2011. Quelques mois plus tard, en juin 2012, j'ai racheté Le Richer, la brasserie située en face du restaurant car j'avais remarqué que les restaurants de chef passent mais pas les brasseries d'angle. J'ai vu ça comme un placement immobilier, un investissement plus sûr et pérenne. Et je me suis dit que je pourrais faire quelque chose d'original : une brasserie hyper qualitative. J'ai beaucoup dépensé cet été-là : 120 000 € pour refaire la cuisine du Richer, 400 000 € pour acheter le fonds de commerce, sans compter les travaux… Cette période où je m'étais endetté et où les deux restaurants étaient fermés a été un gros moment de doute.
Pour moi, un restaurant repose surtout sur la personne qui l'a monté. Ce qui fait la différence, c'est d'avoir, en plus d'un bon chef, une personne en salle qui va sublimer la cuisine, servir les vins à bonne température, faire en sorte que les gens passent un bon moment.
"Ce qui me plaît, c'est de trancher"
Après L'Office, Le Richer, tout s'est enchaîné avec le 52 Faubourg Saint-Denis. Pour cette troisième affaire, j'ai acheté une boucherie rue du Faubourg Saint-Denis car personne ne vend les brasseries bien placées.
Je n'ai jamais fait de planning à cinq ou dix ans. Je me suis lancé sans savoir ce qui se passerait après, et j'y suis allé petit à petit, en bon père de famille. Aujourd'hui, je ne suis plus du tout le restaurateur que j'étais quand j'ai commencé : mon envie, c'est de former des gens, de les faire progresser, de partager mes connaissances, de monter des projets. C'est ce que j'ai commencé à faire au 52 Faubourg Saint-Denis où j'ai pu associer trois personnes qui travaillaient avec moi.
Vu ma personnalité, l'entreprenariat est ma seule option. Ce qui me plaît, c'est de trancher, c'est pour cela que je possède 51 % des parts de toutes mes sociétés, pour avoir la mainmise sur tout. Cependant, ma philosophie est de tout partager avec mes équipes. Comme je leur demande du temps et de l'investissement, je ne veux pas qu'ils se disent qu'ils ont perdu leur temps.
En parallèle, je développe maintenant ma compagnie de distribution : je suis l'importateur exclusif des eaux de vie de Christoph Keller, je torréfie mon café, je brasse ma bière avec un mot d'ordre : faire de l'extrêmement qualitatif. Ce qui m'éclate c'est d'apprendre, de progresser. Et comme je fourmille d'idées, je ne suis pas près de m'arrêter."
Publié par Propos recueillis par Julie Gerbet