Quand les élèves avancent masqués

 

Le jeudi 22 mars, le lycée Alexandre Dumas organisait un 'TP masqué' dans la salle de son restaurant pédagogique. Il s'agissait pour un groupe de huit élèves de première année de CAP restauration d'effectuer l'intégralité d'un service en salle avec un masque et sans parler. Le but : "Faire le parallèle entre le métier de serveur et celui d'acteur, sortir de l'image du serviteur. On travaille sur le paralangage, la gestuelle et l'utilisation des silences. En mettant le masque, on finit justement par faire tomber les masques. C'est un vrai spectacle dans la salle !", explique Dominique Coudert, professeur de restaurant, qui a préparé le groupe pendant douze heures pour ce déjeuner masqué.

Les 3 groupes de CAP première année de l'EREA (établissement régional d'enseignement adapté) étaient mobilisés pour préparer le repas et gérer le bar, et un seul groupe s'occupait du service.

Les huit élèves masqués ont d'abord accueilli et placé les 17 convives. N'ayant pas la possibilité de parler, ils utilisaient des bouts de papier pour présenter leurs suggestions, s'informer du bon déroulement du déjeuner. À la fin du repas, les 8 serveurs du jour ont pris place dans un décor de théâtre dressé pour l'occasion et ont joué, cette fois-ci avec leurs voix, une pièce de quelques minutes créée avec leur professeur.


"Une pédagogie par le détour"

En tant qu'EREA, le lycée Alexandre Dumas accueille des élèves qui présentent des difficultés cognitives. L'exercice théâtral prend alors tout son sens, comme l'explique Dominique Coudert : "Il est important que les apprenants reprennent confiance en eux, en leur image." D'après lui, l'évolution de la profession impose de nouvelles méthodes pédagogiques, notamment de travailler le savoir-être et pas seulement les savoir-faire. C'est donc en toute logique que le théâtre a fait son entrée dans l'établissement car il permet de "libérer la parole et d'apprendre du vocabulaire". Dominique Coudert n'hésite pas à emprunter des termes au monde du spectacle : "J'aime remplacer le mot classe par le mot troupe. Il permet de donner une dimension collective, solidaire et affective au groupe. C'est de la pédagogie par le détour. J'arrive là où les élèves ne nous attendent pas pour ancrer les apprentissages."

Deux élèves partageant la même difficulté à vaincre leur timidité, confient leur sentiment sur l'expérience. Julia confirme la force de l'esprit d'équipe : "C'est très bien quand on est en groupe, ensemble ça se passe toujours bien." Marlena, jeune Polonaise de 18 ans qui apprend le français tout en suivant sa scolarité, confie pour sa part : "Je tremblais avant la pièce de théâtre, puis quand tout s'est terminé, j'ai fait ouf... Je suis très contente !" Malgré l'appréhension qu'elles avouent avoir eu au début de l'exercice, elles s'exclament finalement en choeur qu'elles ont "trouvé ça génial !"

Le déjeuner se déroulait - sous le regard attentif des professeurs de restaurant Dominique Coudert et Éric Boulay, et Philippe Bonnet, chef des travaux - en présence de Claude Michellet, directeur du rectorat de Paris, accompagné de plusieurs collaborateurs dont le doyen des inspecteurs d'académie, Dominique Marcaillou. Le ministère de l'Education Nationale a également répondu présent avec François Muller, chargé de mission à la DGESCO (direction générale de l'enseignement scolaire). Edmond Peirotes, le proviseur de l'établissement, a pris la parole à la fin du repas pour saluer les efforts fournis par les élèves et l'équipe pédagogique. Cet événement a également fait l'objet d'un reportage pour Respire (réseau d'échange de savoirs professionnels en recherche et en expérimentation).