Portrait : Marcel Ravin, entre racines créoles et cuisine plurielle

Monaco Le chemin a été long et semé de non-dits. Mais pour celui qui avait choisi très jeune de faire de la cuisine son métier, allant à l'encontre de la tradition familiale, le travail, la constance, la persévérance et l'audace ont fini par payer. Trente-cinq ans avoir choisi cette voie, la deuxième étoile Michelin obtenue cette année confirme qu'il ne s'était pas trompé.

Publié le 17 mai 2022 à 13:20

Pour Marcel Ravin, les premiers pas vers la cuisine commencent par une rupture. Rupture avec le collège, d’abord, qu’il sèche à l’insu de ses parents. Rupture avec son île natale et ses racines, ensuite, lorsque, après un apprentissage au CFA de Fort-de-France (Martinique), il débarque en métropole à tout juste 17 ans pour décrocher son premier emploi. De Paris, il garde un souvenir presque effrayant et fuit la capitale pour se réfugier dans la campagne alsacienne “parce que le poste était nourri et logé”. Impressionné par le niveau d’exigence du Relais & Château d’Isenbourg à Rouffach (Haut-Rhin) où il atterrit en tant que commis, il demande à démarrer stagiaire. “J’ai appris à éplucher une asperge, à reconnaitre et préparer les artichauts, à dénerver le foie gras…”, se souvient Marcel Ravin, qui, à l’aube des années 1990, a encore beaucoup à apprendre de cette région dont le climat et les coutumes sont aux antipodes de sa Martinique natale.

 

“Retour au pays natal”

Il s’installe ensuite à Nancy dans une chambre d’étudiant, pour apprendre davantage et passer son bac pro. “J’ai suivi la scolarité et j’ai passé l’épreuve pratique en candidat libre, mais je n’ai pas eu mon diplôme”, raconte celui qui devait alors concilier un job à temps plein avec un patron qui préférait exploiter le plein potentiel de son personnel plutôt que d’encourager l’apprentissage diplômant. Plusieurs années passent au sein de différents restaurant étoilés. Marcel Ravin ne cesse d’arpenter les marchés, de lire des ouvrages cuisine, de se documenter sur les produits locaux et les différentes manières de les préparer. Puis, à 25 ans, il revient en Martinique pour l’ouverture d’un hôtel 4 étoiles et de son restaurant gastronomique, pour lequel il va décrocher une clé d’or au Gault&Millau. “Je gagnais bien ma vie, j’étais enfin être chef de cuisine et je pouvais enrichir ma cuisine de tout ce que j’avais appris en Métropole. Mais, je me suis rendu compte que je ne savais pas grand-chose, que mon apprentissage n’était pas terminé. Alors, je suis reparti à Nancy”, se rappelle-t-il.

 

 

“Je me suis construit seul”

Tout son temps, il le dédie à son travail, à sa passion culinaire, et à l’apprentissage constant. Il décroche des postes de sous-chef, mais ce qu’il brigue, c’est celui de chef. Le vent va tourner en sa faveur quand il rencontre Sergio Mangini, à l’époque directeur du Méridien à Bruxelles. “Il m’a annoncé d’emblée que ma couleur peau n’avait aucune importance pour lui et que ce qui comptait, outre les compétences et un certain dévouement au travail, c’était l’honnêteté et la loyauté”, se souvient Marcel Ravin, qui intègre alors le groupe hôtelier comme chef exécutif. “Je me suis construit seul, sans mentor, à la force d’un travail personnel sans relâche, mais je dois reconnaître qu’on m’a tendu la main”, raconte-t-il.

Celle tendue à nouveau par Sergio Mangini, en 2005, sera décisive. Il le recrute pour l’ouverture du Monte-Carlo Bay, un hôtel-resort de luxe et dernier-né de la Société des Bains de mer. Et c’est finalement, là, à Monaco, dans cette cité-État de 2 km² et néanmoins multiculturelle, que Marcel Ravin va s’épanouir en tant que chef exécutif. “Chef de cuisine, oui mais aussi chef d’entreprise dans l’entreprise”, précise celui qui gère trois restaurants dans cet établissement de 332 chambres et qui aussi créé Mada One, un concept de gastronomie sur le pouce, à déguster sur place ou à emporter, situé dans le nouveau complexe immobilier de luxe surplombant la place du Casino de Monaco.

 

Snackonomie

Le chef a développé une cuisine qui allie terre et mer dans le respect des rythmes naturels. Il a su puiser dans ses racines antillaises pour créer une cuisine qui lui ressemble profondément. “80 % de nos plats sont cuisinés avec les légumes de nos potagers et on ne gaspille rien”, confie Marcel Ravin, qui n’oublie pas que les jardins créoles de son enfance ont contribué à façonner sa mémoire du goût.

Depuis dix-sept dans la cité princière, Marcel Ravin s’est assurément fait une place de maître. Gastronomie, bistronomie et même snackonomie - dont il a déposé le nom - n’ont plus de secret pour lui. S’il rêve d’une troisième étoile au Blue Bay, il a déjà laissé une trace de sa vision de la cuisine et de son rapport à la terre. Cette terre qui nourrit son inspiration, lui donne, sur place, les ingrédients pour une cuisine mêlant saveurs tropicales et classique de la Riviera (bonbons de betterave à l’oxalis, tartelettes à l’huile de mandja, pâte de fruits à la carotte, marshmallow à la caroube, crème glacée à l’arbousier…). C’est bien sur cette terre monégasque que Marcel Ravin a trouvé son chemin.

 

#MarcelRavin# #BlueBay#


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Publié par Tiphaine BEAUSSERON



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