L’Hôtellerie Restauration : Comment avez-vous vécu 2020 et quel regard portez-vous sur cette année ?
Olivier Chopin : On veut passer à autre chose. Cette année 2020 a été sidérante. Je n'y ai longtemps pas cru, ça ne pouvait pas se produire chez nous. On avait un matelas de réservation assez conséquent jusqu'à mai de l'année dernière. Et pourtant... L’un des enseignements majeurs de cette crise a été l’agilité. Il a fallu très vite se réinventer, et nous avons découvert un autre métier : il a fallu activer les PGE, se renseigner sur les aides, mettre en place le chômage partiel.
Dans cette guerre contre le virus, nous avons trouvé un État qui a été au combat, des salariés qui ont répondu présent, ça nous a motivés pour se battre aussi. Notre franchiseur a également été avec nous. Le gros point noir de cette année 2020 ce sont les assureurs qui ne sont pas allés au combat, on verra pour l’avenir ce qu’il en sera avec eux.
Comment s'annonce l'année 2021 ?
Si on se projette sur cette nouvelle année, je pense que l’été va être bon, comme l’année dernière. Et nous comptons sur la vaccination pour une montée en puissance dès le mois de mai. On constate que de l’événementiel vient se greffer sur le mois de juin avec des demandes de disponibilité car toutes les dates sur la fin d’année sont déjà prises. En ce qui me concerne, j’ai budgété un chiffre d’affaires de - 30 % par rapport à 2019.
Pour 2021, je vois une prime pour les hôtels qui ont des restaurants. Je constate de façon surprenante que, depuis le début de l’année, la première question que les clients posent c’est : est-ce que l'hôtel a un restaurant. Ils tiennent à profiter d’un vrai repas, même si c’est pour une consommation dans leur chambre. Ils en ont marre des sandwichs. Si historiquement, la catégorie super-économique a été le modèle le plus résilient - et c’est ce que l’on constate sur 2020 -, c’est un peu moins vrai sur 2021, justement en raison de la partie restauration.
Mais je fais un constat inquiétant pour cette année : avec la réouverture progressive de tous les établissements, en tout cas en province, certains commencent à baisser leurs prix pour s’aligner. On voit ainsi des trois étoiles se rapprocher des prix d’un établissement économique. Il ne faut surtout pas déréguler tout un marché, on ne doit pas baisser nos prix. On a nos charges à payer. Mais il est certain que nous avons néanmoins moins d'élasticité tarifaire vers le haut.
Enfin, il va falloir penser au retour de nos salariés. Ce retour, il faudra l’accompagner : via des formations, être présent pour eux, et sur le long terme.
Vous avez adressé une lettre - conjointement avec l'AFA - à Bruno Le Maire, Alain Griset et Jean-Baptiste Lemoyne. Quels sont vos principales demandes ?
Nous avons souhaité nous rapprocher de l’AFA pour communiquer ensemble. D’avoir eu l’État en direct a été très positif.
Il y a trois axes majeurs dans nos demandes. Tout d’abord, nous demandons un rééchelonnement des remboursements de PGE. Aujourd'hui, c'est sur cinq ans, avec la possibilité de reporter sur un an et de rembourser sur quatre ans. Beaucoup disent que l'on va être confrontés à un mur de dettes. C'est vrai. Mais au-delà, cela va obérer nos Capex : si nous sommes focalisés sur le remboursement de ces nouvelles dettes, comment allons-nous payer nos charges courantes et nos dépenses liées à l'investissement ? On a compris que l'hôtellerie-restauration est un élément important du PIB, c'est un fournisseur d'emplois très important, et on se doit de maintenir l'attractivité sur notre secteur. On a la coupe du monde de rugby en 2023, les Jeux olympiques en 2024. On ne peut pas être dans une situation où on ne peut plus investir dans notre outil de travail.
Ensuite, nous demandons de la visibilité et nous espérons une continuité sur les aides pour nous soutenir dans la relance. Sans le chômage partiel et le maintien du fonds de solidarité, on ne s’en sortira pas. On sait très bien qu’on ne va pas reprendre à fond mais on ne peut pas apprendre la réouverture deux jours avant. Il faut faire revenir les équipes.
Enfin, nous espérons un gel d'emprunt supplémentaire avec les banques. Même si elles ont joué le jeu avec nous.
Louvre Hôtel Group a signé un accord d’APLD pour 195 sites. Qu’en pensez-vous ?
Cet accord concerne les établissements en filiale. Ça ne peut pas fonctionner pour nous. La majorité des membres de l’AIFE ont entre 5 et 30 salariés en moyenne par établissement, donc c'est le chômage partiel qui est le plus adapté. L'APLD n’est pas calibré pour nos établissements.
Quel sera le monde de demain pour le secteur de l’hôtellerie ?
Notre domaine a été hyper résilient par le passé et il n'a pas perdu cette résilience. Là, c'est une parenthèse douloureuse mais on ne va pas réinventer la roue. Il y aura plus de digitalisation, il faudra surement améliorer nos outils informatiques pour la clientèle d'affaires, proposer une offre en présentiel mixée au distanciel. L'humain est un animal social, on a besoin de la réouverture de nos restaurants... Dans le monde d'après, il y aura peut-être des problématiques sur les financements, les crédits, les investissements. On sera forcément dans une démarche RSE, il faudra basculer sur le développement durable dès la fin de la parenthèse, qui est elle-même complètement à l'inverse de cette tendance avec du tout jetable.
J’ai évoqué le retour de nos collaborateurs sur le terrain. Il va certainement falloir changer des choses : les salaires, les grilles, la progression… Il faut arrêter de penser que l’hôtellerie-restauration est une voie par défaut. L’État doit aller encore plus loin concernant l’apprentissage. Nos métiers sont formidables, on est polyvalent, on peut voir du pays, parler plusieurs langues, ce sont des métiers de contacts… On peut changer la condition de nos métiers qui peuvent être formidables.
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Publié par Romy CARRERE