Cela commence à 14 ans quand un de ses professeurs au collège lui dit que l'école n'est pas faite pour elle. Naoëlle d'Hainaut pense à la décoration d'ameublement mais l'école est à Paris et ses parents ne veulent pas la voir partir aussi jeune. Sa mère cuisine bien, elle-même s'intéresse à la cuisine. La jeune fille s'inscrit en CAP en alternance au Manoir à Gouvieux (60).
Dans son premier établissement, L'Hostellerie des Trois Rois à Nogent-sur-Oise (60), elle découvre la cuisine traditionnelle, mais aussi la force et la volonté de sa patronne Chantal Avare : "C'est elle qui m'a donné la niaque. Elle aimait tellement ce qu'elle faisait ! Elle était presque en faillite mais elle était encore pétillante et elle en voulait."
Elle continue son apprentissage au Sarcus à Nogent-sur-Oise, un restaurant traditionnel où elle va indéfiniment reproduire les bases qu'elle dit aujourd'hui indispensables : tourner les pommes de terre, les champignons, lever les filets de saumon… "Le chef connaissait toutes les techniques d'école, c'était comme un professeur de cuisine." À l'issue du CAP, la jeune femme poursuit par un bac professionnel au Manoir.
Un esprit battant
En vue de poursuivre son apprentissage dans un établissement plus sophistiqué, Naoëlle d'Hainaut visite les cuisines : "Les mignardises, les jus qui bouillent, tout me faisait envie." Jusqu'à ce que le chef lui dise que vu son gabarit, les casseroles risquent d'être aussi lourdes qu'elle. "Quand il m'a alors proposé une place en salle, ça m'a donné la hargne, je savais que j'avais envie de faire de la belle cuisine."
Elle se présente au Dolce à Chantilly (60). Auprès d'Alain Montigny, Naoëlle d'Hainaut entame alors une expérience de trois ans. "C'était trop beau, ça changeait des petits restos où j'avais travaillé", se souvient-elle. À 18 ans, elle sait que c'est dans un palace qu'elle veut travailler. Elle entre au Bristol en 2004 à l'issue d'un entretien avec Éric Frechon.
Elle dit avoir la niaque et vouloir absolument décrocher un poste. Le chef lui explique qu'il n'a pas de place au gastro, mais seulement au room service et que si elle y fait six mois, elle intégrera le gastro. Naoëlle lui demande une garantie, le chef répond qu'il n'a qu'une parole. "Cela m'a finalement permis d'observer l'ambiance avec le chef, les assiettes et de m'imprégner de sa cuisine pour être prête le jour J."
La volonté d'aller au-delà
Au bout des six mois, elle entre au gastro, au poste entremets. Pour chaque poste qu'elle occupe ensuite, Naoëlle montre dès qu'elle se sent prête la volonté d'aller au-delà et ne se pose jamais de question sur son physique ou son statut de femme. Les années sont dures. "Il y a neuf ans, la mentalité n'était pas la même. Il y avait des gueulantes, des crises. Les mentalités ont changé et aujourd'hui, je suis contente d'avoir connu les deux époques", raconte-t-elle.
Il y a trois ans, le chef Frechon lui propose un poste au garde-manger avec une équipe de cinq personnes à gérer. Jusqu'ici, elle a toujours travaillé seule. Elle apprend à manager et à se faire comprendre. Quand Éric Frechon lui propose le grade de sous-chef six ans après son arrivée, elle refuse. Naoëlle a eu deux enfants et ne peut envisager les horaires inhérents à ce poste. Le chef les aménage, elle accepte. "Il me donne, je donne aussi", avoue-t-elle.
La jeune femme travaille dès 7 h 30 le matin et supervise la réception des marchandises, tout se passe au mieux. En 2012, elle est contactée par la production de l'émission Top Chef. Le concept lui plaît, elle a eu l'occasion de regarder les éditions précédentes. "J'avais envie de sortir de mon confort et de me dépasser. Je me suis engagée dans un concours et non une téléréalité. Pendant le tournage, je me disais que je ne pouvais compter que sur moi. Tout ce qu'on m'avait appris, je le mettais à profit, exactement comme dans un concours."
Naoëlle d'Hainaut a quitté le Bristol en août dernier. Elle s'apprête à consacrer une année à différentes prestations, la préparation de cocktails et de dîners pour des événements mais elle souhaite également faire un stage chez un autre grand chef étoilé. Avant de penser à son restaurant à elle.
Publié par Caroline MIGNOT