Michelin 2015 : La fougue tranquille de Ludovic Turac

Marseille (13) Il fallait du cran pour prendre la suite de Lionel Levy. Deux ans après avoir relevé le défi, le plus jeune étoilé de France prouve que sa cuisine est signée et soignée, et se paie le luxe de progresser en peu de temps sur des points essentiels.

Publié le 21 avril 2015 à 12:50

"L'étoile pour un chef, c'est comme gagner le Ballon d'or pour un fotballeur !" Pour avancer, Ludovic Turac se fixe des objectifs, c'est sa manière de maintenir le cap. Mais au-delà du challenge, cette étoile rend légitime l'orientation qu'il a prise : "Cela signifie que l'on est sur la bonne voie. L'étoile est nominative, et pourtant l'équipe est la famille qu'on se choisit." Le chef salue également le professionnalisme amené par son épouse, Karine, en salle : "Nous recherchons un service attentionné sans être envahissant, et surtout une ambiance qui soit loin des endroits pincés et ampoulés : par son naturel, Karine a trouvé cet équilibre."

Lorsque Lionel Lévy, dont il était alors le second, lui a proposé de reprendre Une Table, au Sud, Ludovic Turac était animé d'une énorme énergie, voire même "d'une certaine inconscience" : "J'avais 'faim' et j'ai donc accepté sans hésiter! Pourtant l'enjeu était grand !"

Le jeune chef a gardé toute sa fougue, tout en travaillant sur des points essentiels, prouvant ainsi que la maturité n'attend pas le nombre des années : "C'est peut-être en management que j'ai progressé. Je passe plus de temps avec chacun, en donnant davantage de responsabilités. Avant, j'aurais dit à ma pâtissière de réaliser un dessert fidèle à mon idée, et je lui aurais même dessiné l'assiette. Aujourd'hui, lorsque j'ai mon idée, je n'en parle pas forcément tout de suite. Par exemple, mon fournisseur vient de m'apporter des Golden des Alpes. Je vais demander à ma pâtissière ce que ça lui inspire, tout en lui donnant un axe qui me tient à coeur, comme la recherche de différentes textures. Il y aura des essais et des modifications, mais ce sera un vrai travail à deux. Et je peux travailler ainsi depuis que j'ai gagné en confiance, grâce aux retours positifs de mes clients."

 

Rechercher l'émotion

Avec un peu de recul, le chef analyse également sa manière de travailler les produits et de concevoir ses assiettes : "Je sens que ma cuisine évolue mais [les fondamentaux] ne changent pas. Je suis sur le Vieux-Port : ce qui me fait vibrer, c'est de mettre en valeur les poissons que les pêcheurs me livrent tous les jours. Il y a deux ans, le loup était déjà bien levé et joliment dressé, et le goût était déjà au coeur de mes préoccupations. Mais ce que j'ai gagné ces derniers mois, c'est une émotion. J'essaie d'amener chaque élément comme une surprise au service du goût. Rien n'est là pour faire joli, mais doit répondre à une réflexion globale sur la recette. Dès la première bouchée, il faut qu'il se passe quelque chose."

L'excitation des débuts s'est transformée en pression positive, une ambition plus posée, qui se traduit par une remise en question quotidienne : "Je me demande toujours si l'on peut faire mieux. L'étoile se joue sur chaque plat, chaque jour."


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Publié par Anne GARABEDIAN



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