Sylvain Guillemot revendique le pouvoir des rencontres et des échanges. En apprentissage, chez un étoilé rennais Marc Tison, C'est sa première grande chance. Avec Jacques Thorel, à La Roche-Bernard, « je comprends la combinaison mets/vins. Il travaillait ses bouillons comme un vrai vigneron son vin ». Puis il entre chez Alain Passard à L'Arpège où il passe de commis à second en 3 ans. « C'est un maître rôtisseur ». En salle, Marie-Pierre est déjà là.
Le couple, la petite vingtaine, décide de monter son affaire. Sylvain Guillemot veut retourner dans sa Bretagne natale. Ils n'ont pas d'apport mais des idées sur le long terme. Ils trouvent leur bonheur à Noyal-sur-Vilaine, en périphérie de Rennes. Un ancien bar-station-service à fort potentiel quand on y regarde de près. Et qu'on imagine ce qu'on peut en espérer après de lourds travaux à échelonner au fil des années. Comme la cuisine née d'une extension ou la salle du restaurant, ouverte sur l'extérieur par de grandes baies vitrées (depuis l'année dernière), qui surplombe une petite rivière.
C'était il y a 18 ans pour Sylvain et Marie-Pierre Guillemot. Le duo cuisine-salle est en osmose, mêmes goûts, les mêmes envies. Ils ont construit leur maison. En 2005, au bout de 10 ans ; la première étoile arrive. « On ne l'attendait plus ». Ensuite, « on a tout fait pour la conserver et la deuxième étoile est arrivée alors qu'on ne l'attendait pas », dit le chef-patron en toute franchise. Son sourire parle pour lui.
Le coureur de fond a trouvé sa voie. Celui qui se définit comme un « cuisinier locavore par nécessité » ou un « ayatollah du produit » a découvert un « trésor en Bretagne, qui est un peu le grenier de la France ». Depuis des années, il parcourt les marchés, les champs, les exploitations, les terrains ouvrier à la rencontre des producteurs. Les plus jolies rencontres le mènent à entretenir des liens étroits avec eux, à travailler au plus près pour obtenir des produits différents, améliorer la qualité, trouver des solutions. « Grâce à eux, j'ai eu accès à un ailleurs. Chaque découverte ouvre des portes, pousse à la créativité en permanence. C'est très formateur pour les jeunes. En tant que chefs ; nous devons défendre les producteurs, mais au-delà, nous devons aussi défendre des modes de production », dit Sylvain Guillemot, qui porte aussi la casquette de Président de Tables et Saveurs de Bretagne, association qui réunit près de 50 chefs bretons parmi les plus talentueux.
Tout juste s'il évoque sa « cuisine d'instant et d'instinct », dans laquelle il ne cuit le poisson que dans des poêles à crêpes, qui « permettent une meilleure maîtrise de la cuisson mais aussi le déglaçage dans un jeu permanent avec la chaleur ». Pour les légumes, il a banni l'eau bouillante salée. « Ils doivent cuire dans leur propre eau d'hydratation ». Une technique recueillie chez Passard. Sylvain Guillemot parle plus facilement de son épouse et du « fabuleux travail qu'elle a effectuée pour créer une carte des vins originale, très ancrée dans la biodynamie, décalée, en symbiose avec la cuisine ». « L'important, c'est l'harmonie. Chez nous, en 18 ans, nous avons écrit une histoire qui se tient », parole de coureur de fond.
Publié par Nadine LEMOINE