Le 1er mai 2018, plusieurs commerces de la ville de Dijon (Côte-d’Or), dont une dizaine de restaurateurs, ont eu reçu une visite surprise de l’inspection de l’inspection du travail. Motif : les professionnels n’avaient pas le droit de faire travailler leurs salariés le 1er mai. Ils ont donc dû choisir entre fermer leur établissement ou poursuivre l’activité avec à la clé une amende pour chaque salarié travaillant ce jour-là. Si beaucoup d’entre eux ont fermé boutique, il était beaucoup plus difficile pour les restaurateurs de mettre leurs clients dehors en plein repas. Ils ont donc continué à assurer le service et honorer leurs réservations. Seuls les hôtels ont été autorisés à continuer leur activité le 1er mai.
Alerté par ses adhérents, l’Umih 21 a tenté une médiation avec l’inspection du travail. Mais celle-ci campe sur ses positions : pour travailler le 1er mai, le restaurateur doit justifier la nécessité de ne pas interrompre son activité. “Aucune discussion n’a été possible avec l’inspection du travail qui se retranche derrière le droit, précise Patrick Jacquier, président de l’Umih 21. Nous avons pris contact avec maître Elsa Goulleret, avocate spécialiste en droit du travail au barreau de Dijon, qui est venue expliquer à nos adhérents les tenants et aboutissants de la réglementation relative au travail le 1er mai, afin que chaque professionnel puisse choisir en connaissance de cause, s’il ouvre ou non son établissement le 1er mai cette année.”
Des restaurateurs convoqués devant le délégué du procureur
Les restaurateurs contrôlés ont fait l’objet d’un procès-verbal transmis au procureur de la République. Il y est rappelé que ne pas respecter les règles sur le chômage du 1er mai est un fait susceptible de constituer une infraction aux dispositions de l’article L3133-4 du code du travail, sanctionnée de la peine prévue par l’article R3135-3, soit d’une amende de 750 € appliquée autant de fois qu’il y a de salariés concernés. Pour certains établissements qui employaient ce jour-là 17 salariés, cela représentait au total une amende de 12 750 €.
Les restaurateurs seront convoqués dans les prochains jours devant le délégué du procureur. “On appelle cela des mesures alternatives aux poursuites. Le professionnel peut bénéficier d’un simple rappel à la loi et voir ses infractions classées sans suite ou il peut être renvoyé devant le tribunal de police et se voir infliger des amendes”, explique maître Elsa Goulleret.
Le régime du 1er mai
La loi distingue le 1er mai des autres fêtes légales en prévoyant qu’il est obligatoirement chômé, c’est-à-dire qu’il ne doit pas être travaillé (art. L3133-4) et doit être payé (art. L3133-5).
L’article L3133-6 prévoit la possibilité de déroger au chômage le 1er mai pour les établissements et services qui, en raison de la nature de leur activité, ne peuvent interrompre le travail. La loi ne définissant pas la liste des établissements ni des services pouvant bénéficier de cette dérogation, la position administrative constante était de considérer que pouvaient se prévaloir de cette dérogation les établissements bénéficiant d’une dérogation de droit au repos dominical. L’article L3132-12 accorde la possibilité de déroger au repos le dimanche pour les établissements “dont le fonctionnement ou l’ouverture est rendu nécessaire par les contraintes de la production, de l’activité ou les besoins du public.” Surtout, il renvoie à l’article R3132-5 qui fixe précisément la liste des activités concernées, dans laquelle figure les hôtels mais aussi les cafés et les restaurants.
C’était sans compter la Cour de cassation, qui a précisé dans des contentieux relatifs à une jardinerie et une société de location de DVD, que l’article L3133-6 n’institue aucune dérogation pour les établissements et services bénéficiant du repos par roulement. Il appartient donc à celui qui se prévaut de ce texte d’établir que la nature de l’activité exercée ne permet pas d’interrompre le travail le 1er mai (Cass. crim. 8 février 2000, n° 99-82118, et Cass. crim.14 mars 2006, n° 05-83436).
Le secteur des CHR admis à travailler le 1er mai
Il a toujours été communément admis que les CHR faisait partie des activités pouvant faire travailler leurs salariés le 1er mai. Les dispositions de la convention collective des CHR du 30 avril 1997 prévoient le travail des salariés le 1er mai à la condition de payer double cette journée.
La direction générale du travail a elle-même rappelé, dans un courrier adressé au syndicat national de la restauration (Snarr) et en date du 16 avril 2003 que la restauration rapide pouvait aussi bénéficier de cette dérogation : “Le secteur de la restauration, incluant notamment la restauration rapide, peut être considéré, conformément à une position administrative constante, comme un secteur qui ne peut interrompre le travail en raison de la nature de son activité.”
Le ministère du Travail partage aussi cette position, qu’il a réaffirmée le 4 août 2016 à une question-écrite publié dans le JO Sénat. “Les établissements de restauration de toute nature (restauration sur place et à emporter, restauration rapide, etc.) du fait de la nature de leur activité participent à la continuité de la vie sociale en concourant à la satisfaction d’un besoin essentiel du public. À ce titre, les établissements entrent dans le champ de la dérogation au chômage du 1er mai tel que défini par l’article L3133-6 du code du travail.”
Mais ces positions ne sont pas suivies par certaines inspections du travail, dont celle de Dijon, qui considère que la restauration ne fait pas partie des activités pouvant bénéficier de la dérogation.
Pour clarifier cette situation, Didier Chenet, président du Groupement national des indépendants (GNI), a envoyé un courrier début avril au ministre du Travail lui demandant de rappeler aux services de l’inspection du travail le principe de la dérogation au travail du 1er mai pour les établissements de restauration.
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Publié par Pascale CARBILLET
lundi 15 avril 2019
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mardi 16 avril 2019
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