Pour vivre et prospérer, une marque se doit d’innover en permanence. L’hôtellerie n’échappe pas à la règle et se réinvente continuellement, imaginant de nouveaux concepts, services et lieux de vie. Depuis quelques années, elle voit toutefois des enseignes non hôtelières se lancer dans la profession : Maison Elle, Bulgari, CR7, Cheval Blanc ou encore Louis Vuitton, ce dernier devant s’installer sur Champs-Élysées d’ici 2026.
Quelles sont les raisons de cette tendance et constitue-t-elle une évolution ou une révolution ?, se sont interrogés hôteliers, designers et professeurs d’université, lors d’un colloque à la Sorbonne le 6 décembre dernier, organisé par les étudiants du master de gestion des activités touristiques et hôtelières (GATH) de l’Institut de recherche et d’études supérieures du tourisme (Irest) et animé par les professeurs Patrick Eveno et Jean-Philippe Chapuis.
• Pourquoi les marques non-hôtelières investissent ce secteur
Selon la professeure de marketing Géraldine Michel, responsable de la chaire marques & valeurs à l’Institut d’administration des entreprises de l’université Paris I, toute marque porte en elle une identité, un positionnement, un classement, un sens et des valeurs. Ces marques cherchent souvent à s’étendre vers de nouveaux marchés, parfois étonnants, afin de créer un effet de surprise et d’augmenter ainsi leur notoriété. En hôtellerie, ces co-associations permettent d’apporter de l’innovation, mais doivent être sincères grâce à une stratégie bien pensée pour être légitime et doivent choisir soigneusement le lieu et l’expérience proposée à leurs clients, pour garantir un accueil de qualité.
Pour Eliane Yun Wang, directrice multisites Paris pour Valotel qui a ouvert Maison Elle en novembre 2022, l’hôtel permet d’offrir un lieu prolongeant l’expérience du magazine, tout en représentant une certaine idée de la mode, et d’un art de vivre et de recevoir à la française.
• Comment traduire l’identité d’une marque dans un hôtel
À l’hôtel Maison Elle – où sont accueillis des clients du monde entier dont 25 % d’hommes, tient à préciser Eliane Yun Wang –, il s’agit de créer une expérience fidèle à l’ADN du magazine, en mettant l'accent sur les espaces bien-être et de restauration, et une façon de vivre et de concevoir l’hôtellerie que les clients ne retrouveront pas ailleurs. L’hôtel organise en outre des événements hebdomadaires pour la clientèle locale.
La compagnie aérienne low cost Easyjet a lancé une enseigne d’hôtellerie, Easyhotel, qui est conforme à ses valeurs , permettant de voyager et de dormir à bas coût. Autre exemple : un hôtel au nom de l'ancienne compagnie Pan Am a ouvert à Berlin, avec une décoration inspirée des années 1960-1970, âge d’or de l’entreprise.
• Quelles sont les clés du succès et les dangers à éviter
Pour les designers Patrick Jouin et Sanjit Manku (studio Jouin Manku), le plus grand écueil à éviter est la déception. Les clients se faisant toujours une image mentale du lieu dans lequel ils se rendent, il faut créer la surprise en réussissant à trouver autre chose, tout en restant fidèle aux valeurs de la marque.
L’autre point fondamental est de rester authentique. “Un baby-foot ne suffit pas pour créer un hôtel lifestyle, ni un magazine déposé dans une chambre pour créer un Maison Elle”, sourit François Leclerc directeur général des enseignes Jo&Joe et Tribe pour Ennismore (Accor), qui précise : ”Dans le retail, c’est l’emplacement qui fait le succès, alors que dans l’hôtellerie, c’est l’expérience, et elle doit être unique. Le succès des enseignes lifestyle vient de leur capacité à mélanger les genres, qui répondait à une demande de la clientèle, mais il faut toujours être sincère.”
Et Patrick Jouin d’ajouter : “Le point de départ [dans ce type de projet] doit être l’envie d’accueillir, La marque sort de son périmètre parce que ses valeurs et ses standards sont également présents dans l’hôtellerie”.
Publié par Roselyne DOUILLET
vendredi 5 janvier 2024