“J’ai tout eu ! Un ravalement, la grève des transports, les confinements, les couvre-feu…” Installé depuis deux ans boulevard de Vaugirard, à Paris (XVe), Alex Bacha enchaîne les déconvenues. Lorsqu’il a repris cette brasserie, située au pied de la tour Montparnasse et collée à la gare éponyme, il a récupéré un lieu qui venait de déposer le bilan. Il a donc dû prendre en charge les arriérés de son prédécesseur, “soit 4 400 € à rembourser chaque mois.” À cela s’ajoute un loyer de 10 700 €, 5 000 € de frais fixes et un crédit sur sept ans de 4 600 € mensuels. L’addition est lourde. Elle flirte avec les 25 000 €. “Je n’y arrive plus”, reconnaît Alex Bacha.
Et pour cause : lorsqu’en temps normal, il fait jusqu’à 150 couverts par jour, aujourd’hui, avec la vente à emporter, il ne touche qu’une vingtaine de personnes entre midi et le début du couvre-feu. Les coups de pouce de l’État ? Il y a eu droit une fois, depuis mars 2020, à raison de 10 000 €. Une goutte d’eau par rapport aux six mois de loyer qu’il n’a pas pu payer. Si bien que son propriétaire l’assigne. Un huissier est déjà passé. Et, à ce rythme, d’ici à la fin février, Alex Bacha risque l’expulsion. Un scénario qu’il refuse d’envisager. Si bien qu’il a décidé d’attaquer, avec l’aide d’un avocat. Son argument : s’il ne peut pas payer, ce n’est pas parce qu’il ne veut pas travailler. Au contraire ! “J’ai l’habitude des horaires à rallonge et des semaines de sept jours.” Il se dit donc otage et victime d’un contexte, d’une conjoncture, de décisions politiques. Il réclame donc un report ou au moins un échelonnement de ses loyers en retard.
Déjà deux avertissements
Depuis le premier confinement du printemps 2020, la carte du Cosy propose sandwiches et plats chauds à emporter. Mais, avec l’hiver et les températures qui baissent, Alex Bacha invite désormais ses clients et habitués à rentrer dans sa brasserie, “au chaud”, le temps de récupérer leur commande. Ce qui est interdit. Le gérant a d’ailleurs déjà fait l’objet de deux avertissements, après le passage de la police. Mais il lui en faut plus pour rentrer dans le rang. “J’ai une surface de 260 m2. Chez moi, aucun problème pour respecter la distanciation sociale, comparé à la foule qui s’agglutine sous l’abribus situé juste devant !”
Avec sa femme, Iwona Smolarek, ils ne comprennent pas pourquoi la vente à emporter peut se faire à l’intérieur d’une boulangerie ou d’un fast food, mais qu’elle doit être organisée à l’extérieur pour un restaurant. Le couple ne décolère pas. Les deux réfractaires se disent même prêts à rouvrir leur établissement sans attendre de date officielle. Pour cela, Alex Bacha et son épouse aimeraient rallier d’autres patrons parisiens de bars, brasseries, restaurants, à leur cause, “car l’union fait la force”. Leurs salariés, actuellement au chômage partiel, les soutiennent déjà. Ils passent régulièrement au Cosy. “À tour de rôle, ils viennent donner un coup de main en cuisine, gratuitement, confie le gérant. Ils n’en peuvent plus de rester chez eux à ne rien faire. Ils ont besoin de retrouver des contacts humains.”
Publié par Anne EVEILLARD
mardi 12 janvier 2021
mardi 12 janvier 2021
mardi 12 janvier 2021