"En à peine une dizaine d’année, de 2010 à 2020, le montant total des droits de voirie (droit de terrasse notamment) réclamés par la mairie de Paris aux occupants du domaine public a doublé, passant de 30 millions d’euros à 60 millions d’euros", précise l'avocat Philippe Meilhac qui défend de nombreux restaurateurs parisiens face aux augmentations faramineuses de leur droit de terrasses .
Au fil des années non seulement, le montant des droits qualifiés d’ordinaire, pour l’installation d’une terrasse ouverture, fermée, contre-terrasse, étalage…) était systématiquement revalorisé de 1% à 2%, voire 5%, mais il fallait en outre rajouter des majorations pour une surface supplémentaire. En effet, en fonction de sa superficie, les terrasses subissent une majoration des tarifs de 5% par tranche de 10 mètres carrés avec un plafond à 40% (soit 5 % au-delà de 20 m², 10 % au-delà de 30 m²…) et qui s'applique sur toute la surface de la terrasse.
A cela, il faut rajouter l’instauration en mars 2011, de droits additionnels pour l’installation d’accessoire sur la terrasse (chauffages, écrans, parasols..). Ces droits additionnels étant 4 à 6 fois supérieurs aux tarifs des droits ordinaires, a conduit à une hausse brutale du montant réclamé aux exploitants en l’absence de toute explication.
L'augmentation de 1 % des droits de voirie en 2016, alors que la profession a subi une forte chute d'activité suite aux attentats de novembre 2015, a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. L’Umih Paris-Ile de-France a décidé d’attaquer l’arrêté municipal fixant la grille tarifaire des droits terrasse pour 2016, et depuis ceux des années suivantes. Rejointes depuis par d’autres organisations professionnelles : le SNRTC, Snarr, Sneg & CO.
Le tribunal administratif de Paris en 2017, puis la cour administrative d’appel de Paris en 2019, rejettent le recours de l’Umih. C’est finalement le Conseil d’Etat qui dans un arrêt du 29 juin 2020 qui va donner gain de cause à l’organisation professionnelle, en annulant l’arrêt de la cour d’appel du 9 mai 2019 et renvoi l’affaire devant la cour administrative d’appel de Paris et condamne la ville de Paris à lui régler une somme de 2 500 € au titre de frais de procédure. « Cette décision du conseil d’Etat, va aussi avoir un impact sur les recours que nous avons introduit pour les années suivantes. Mais ce que nous souhaitons, c’est de se mettre autour de la table avec la maire de Paris pour négocier ces tarifs et surtout avoir des explications sur les modalités de calcul. » précise Franck Delvau, président de l’Umih Paris-Ile-de-France. La mairie de Paris a voté une suspension des droits de voirie pour 6 mois, et permet aux professionnels d’étendre leur terrasse au-delà de leur autorisation habituelle jusqu’au 30 septembre. L’Umih Paris-Ile-de-France demande à la ville de Paris, de renoncer à percevoir tout droit de voirie pour l’année 2020, à l’instar de ce qui se produit dans de nombreuses communes et de prolonger les modalités dérogatoires d’occupation du domaine public jusqu’à la fin de l’année.
Des augmentations injustifiées
Le conseil d’Etat reproche à la Cour d’appel d’avoir jugé légale la hausse de 1%, alors que la ville de Paris s’est contentée de justifier cette augmentation par la nécessité de répercuter, outre l’inflation, l’évolution des coûts administratifs de gestion, de vérification et de contrôle, et de retenir que les motifs de bonne gestion de la ville de Paris, qui étaient sans rapport avec un avantage susceptible d’être procuré aux occupants du domaine.
En outre, il est rapproché à la cour d’avoir déclaré légal le système de majoration des droits ordinaires en s’abstenant de rechercher, comme lui demandait l’Umih, si le tarif ainsi défini n’était pas manifestement disproportionné au regard des avantages de toute nature susceptibles d’être procurés aux occupants. Ne justifie pas non plus une telle augmentation des tarifs « l’objectif d’intérêt général consistant à freiner l’effet d’éviction du domaine public que subissent les piétons du fait des activités commerciales qui y sont exercés. »
« Si l’arrêt que vient de rendre le conseil d’Etat ne règle pas définitivement la contestation, puisque le dossier est renvoyé à la Cour administrative d’appel de Paris, on voit mal quels nouveaux arguments la ville de Paris pourra trouver pour tenter de justifier la hausse systématique des droits de voirie au 1er janvier de chaque année ainsi que le système de majoration. » conclu l’avocat des organisations professionnelles, Philippe Meilhac.
Publié par Pascale CARBILLET