Caché dans une petite rue, près de la Porte Maillot (Paris XVIIe), le 10 bis affichait toujours "complet" avant que Karim Massoud, fondateur de Pomovols, décide de racheter l'établissement. En effet, la tenancière de ce lieu de galanterie, surnomée Katia la Rouquine, avait installé un panneau "complet" pour éviter toutes curiosités. Karim Massoud l'a transformé en un hôtel 4 étoiles de 25 chambres et suites, de 16 à 30 m², après 13 mois de travaux et 2 200 000 d'euros d'investis.
Karim Massoud cherchait à investir dans un hôtel : "J'ai besoin de nouveau challenge, et je pense à mes enfants. Je veux leur laisser à chacun un témoignage de cette vie [que j'ai] passée dans le tourisme". Lorsqu'il tombe sur cet hôtel, au passé sulfureux, c'est le coup de foudre. "J'ai visité un vendredi soir, j'ai signé le lendemain matin", confie le nouveau propriétaire. Les architectes, Elsa Joseph et Bruno Le Steun, ont tout de suite cernés le potentiel de l'établissement : "Même si l'objectif était d'en faire un 4 étoiles élégant et intemporel, nous ne pouvions faire l'impasse sur son passé, ses personnages et tout l'imaginaire qu'il dégage".
Des chambres sobres et élégantes
Les chambres ont retrouvé de la clarté (auparavant, l'univers était sombre et rouge) et les couleurs sont dorénavant sobres et élégantes : bleu des ténèbres et couleurs minérales composent la palette. Le passé de l'établissement n'a pour autant pas été renié. D'anciens miroirs, auparavant installés dans la demeure, ont été récupérés, nettoyés, tout comme les fauteuils qui ont été retapissés. Des luminaires à trois ampoules, qui servaient auparavant à indiquer aux clients s'ils pouvaient rentrer, ont été repeints et réinstallés. Un petit cabinet de curiosité a également été installé à droite de la réception.
Beaucoup d'aménagements et de travaux ont été nécessaire. L'ascenseur a notamment été déplacé. Mais l'escalier typiquement parisien a été conservé, mais repeint.
L'ex tenancière des lieux
Lucienne Goldfarb, Lucienne Tell, dite Katia la Rouquine, est le souvenir emblématique du 10 bis. C'est à la fin des années 1950 qu'elle inaugure l'une des plus célèbres maisons closes de la capitale. Elle souhaitait travailler en toute indépendance, et voulait offrir cette liberté à toutes celles qui ne voient pas les choses autrement. Une féministe d'un genre nouveau, en bas de soie et talons hauts. Elle a côtoyé les plus grands (Roland Dumas, Placido Domingo...), a régné en Dame sur les nuits parisiennes pendant 50 ans, sans jamais négliger son rôle d'indic n°1 auprès de la brigade des stupéfiants. De Ben Barka à Elf, elle a fait trembler le pouvoir et les autres cols blancs, en partageant son réseau tentaculaire du monde de la nuit. Elle était devenue une pièce maîtresse dans la lutte contre le proxénétisme et les stupéfiants dans les années 1970. Claude Cancès, ancien patron du 36 quai des orfèvres, en témoigne encore aujourd'hui : "Elle était la virtuose des indics, une encyclopédie du grand banditisme et surtout, elle était à l'aise dans tous les milieux. Au quai des Orfèvres, elle arrivait directement chez le patron, et savait faire profiter de ses tuyaux à tous les services".
Katia la Rouquine a piloté ce lieu de galanterie jusqu'en 2014. Aujourd'hui âgée de 90 ans, elle a accumulé plus de secrets d'état qu'un directeur de cabinet...