Roland Héguy : Nous l'avons intitulé 'Les CHRD, des acteurs majeurs du tourisme'. Nous attendons beaucoup d'ailleurs des Assises du tourisme qui ont été annoncées par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault. Ce congrès 2013 se situe dans un contexte économique et général extrêmement délicat. Dois-je le rappeler ? Sur le premier semestre de 2013, l'ensemble des indicateurs sont dans le rouge avec un risque majeur d'aggravation de la crise sur la deuxième moitié de l'année et en 2014. Les taux de défaillance dans nos entreprises atteignent des records : + 7% sur les 9 premiers mois de 2013 par rapport à 2012, + 8% pour la restauration, +5,9% pour les débits de boissons. Nous sommes le 3ème secteur le plus touché après l'agriculture et les services aux particuliers La restauration concentre une défaillance sur dix – tous secteurs confondus - dont les 2/3 se situent dans la restauration traditionnelle. Nous subissons en France un taux de prélèvement obligatoire qui est au plus haut : plus de 45 % du PIB et l'alourdissement de la fiscalité devient insupportable avec bien sûr l'augmentation du taux de TVA au 1er janvier prochain, soit un taux doublé en moins de 3 ans pour l'hôtellerie et la restauration. Ajoutez à cela la taxe sur les boissons sucrées, taxe sur la bière, le projet de taxe sur les boissons énergisantes… Mais aussi une inflation des taxes locales : taxe locale sur la publicité extérieure, augmentation de la taxe de séjour suite à la réforme du classement hôtelier, CET (CFE & CVAE), taxe foncière, taxe sur les terrasses, etc. Sans oublier la future réforme des retraites et projet du compte pénibilité qui seraient financés pour la majeure partie par les entreprises… Aujourd'hui, 37 % des dirigeants d'entreprises du secteur HCR déclarent avoir rencontré des difficultés d'accès aux crédits d'exploitation soit une hausse de 4 points par rapport à novembre 2012. Pire, le volume d'investissement des PME du Tourisme a perdu 5 points en mai 2013 par rapport à mai 2012.
Quelle est votre réponse à cette situation ?
Pour sauver nos entreprises et les emplois, il n'y a qu'une solution, la croissance. Comment faire ? Il faut redonner de l'énergie aux marchés, il ne faut pas continuer à asphyxier des entreprises déjà exsangues. Nous lançons un vrai SOS au Gouvernement pour lui dire que nos entreprises sont complètement asphyxiées, qu'elles se trouvent à l'heure actuelle dans un profond désarroi moral et économique. Il faut trouver des réponses fortes, sinon je le répète, nous allons vivre le plus grand plan social invisible parce que morcelé. Ce n'est pas une menace que nous formulons, nous levons seulement le voile sur la réalité du terrain. Quand une grande entreprise licencie plusieurs centaines de salariés, ça se voit. Chez nous, dans notre secteur, ça ne se voit pas. C'est un collaborateur dont on va se séparer ici, un autre là… Mais si on additionne ces pertes d'emploi, cela va représenter le plus grand plan social dans l'histoire de notre secteur d'activité. Soyons réalistes, dans la situation présente : 1 point de TVA c'est 10 000 emplois détruits.
Vous demandez le report de la hausse de la TVA. Or, le Premier ministre vient de se prononcer, il n'y en aura pas.
Il faut que le Gouvernement comprenne que cette hausse de la TVA tombe au pire moment. Lorsqu'elle avait été annoncée, nos dirigeants pensaient que l'économie allait repartir. Sauf que la conjoncture est bien plus mauvaise que ce qui avait été annoncé l'an dernier et l'évolution de la situation va en s'aggravant comme je viens de vous le démontrer. Toutes ces taxes successives mettent en péril l'ensemble de l'activité. Beaucoup d'entreprises sont déjà sous contrôle du tribunal du commerce (en sauvegarde). Cette TVA va être le coup fatal. Pour relancer l'activité, il faut avoir un courage politique qui amène l'énergie et la puissance au moteur dont la France a besoin. La TVA à 5,5 on l'a vu, a permis de dégager une marge de manoeuvre dans les entreprises. Ca été favorable à l'emploi. Baisser la TVA est le seul outil, aujourd'hui, qui peut avoir un impact immédiat et positivité sur l'activité. Et sans activité, il n'y a pas d'emplois.
Le dossier des OTA avance-t-il ?
Nous réclamons la moralisation des pratiques commerciales. Le système des OTA progressivement dépossède l'hôtelier de son client. Nous perdons le contact avec nos propres clients et cela ne peut plus durer. Nous devons aussi regagner la confiance de nos clients, la confiance des prix. Le client croit trouver le meilleur prix sur le net. Ce qui est faux ou biaisé : ce sera un des sujets très fort du congrès. La ministre du Tourisme Sylvia Pinel a effectivement confirmé la décision de la DGCCRF d'assigner Expedia et nous sommes satisfaits car cela va dans le bon sens. Cela fait plus deux ans que nous nous élevons contre le poids croissant des commissions qui pèsent de plus en plus dans nos comptes d'exploitations. Comme vous le savez, nous avons lancé une pétition auprès de tous les hôteliers. Son objectif est d'ouvrir le dialogue avec Les centrales de réservation en ligne qui doivent comprendre que si elles sont des partenaires nécessaires, il est indispensable de rééquilibrer les relations commerciales. Celles-ci profitent de l'émiettement et de l'indépendance de l'offre hôtelière pour imposer aux hôteliers un montant de commission excessif et opaque. Nous appelons l'ensemble des 17 000 hôtels français représentant 650 000 chambres, employant 230 000 actifs sur tout le territoire, y compris l'outre-mer, à signer cette pétition afin d'être plus fort ensemble pour rétablir des montants de commissions justes et transparents.
Vous vous êtes rallié au mouvement lancé par l'Union professionnelle artisanale (UPA) : 'Sacrifié, mais pas résigné'. Quel est votre message ?
L'UPA a tiré la sonnette d'alarme en mobilisant les chefs d'entreprise de l'artisanat et du commerce de proximité et au-delà tous les Français. Il était naturel de nous joindre à ce mouvement. Nous défendons le même type d'entreprises et d'exploitants. Comme l'a résumé Jean-Pierre Crouzet, président de l'UPA, les dirigeants des entreprises qu'il représente ne fréquentent pas le CAC 40, ni les hauts fonctionnaires de Bercy, ni les couloirs de l'Elysées. Ils sont isolés et discrets, ils sont une cible idéale pour puiser de nouvelles ressources fiscales sans risquer une révolution… Mais en faisant cela, le gouvernement sacrifie les artisans, le petit commerce de proximité, les travailleurs indépendants… La mobilisation a débuté le 13 novembre et va continuer. Nous croyons essentiel de s'unir à toutes les actions menées par les instances interprofessionnelles. Le harcèlement fiscal, c'est l'affaire de tous, et surtout des indépendants.
Publié par Propos recueillis par Sylvie Soubes