La Commission européenne a ouvert une enquête en novembre 2010 à la suite d'une plainte d'une vingtaine d'entreprises reprochant à Google d'abuser de sa position dominante dans le domaine de la recherche sur internet. En mars 2013, elle a formellement présenté à Google ses conclusions, dans lesquelles elle soulevait quatre problèmes en matière de concurrence (voir encadré ci-dessous). La Commission avait estimé que ces pratiques pouvaient porter préjudice aux consommateurs en diminuant le choix disponible et en étouffant l'innovation dans les domaines des services de recherche spécialisés et de la publicité contextuelle en ligne.
Un mois plus tard, Google proposait un ensemble d'engagements détaillés. La Commission avait alors lancé une consultation auprès des acteurs du marché sur ces engagements. Leur retour avait été très négatif et Google avait alors dû revoir sa copie, à la demande des instances bruxelloises. En octobre 2013, le groupe californien a envoyé de nouvelles propositions pour mettre ses services en ligne en conformité avec le droit européen. Une nouvelle fois, elles ont été jugées insatisfaisantes par la Commission. Bruxelles s'est finalement félicité, le 5 février dernier ; d'avoir obtenu de Google une proposition améliorée. Dans sa proposition, le groupe de Moutain View accepte de garantir que lorsqu'elle promeut ses propres services sur une page de recherche (par exemple d'un hôtel ou d'un restaurant), elle fasse également apparaître de manière clairement visible pour les utilisateurs les services de trois concurrents sélectionnés au moyen d'une méthode objective. Cette proposition, selon la Commission, est suffisante pour remédier aux problèmes qui ont été identifiés. Bruxelles précise que les plaignants auront cependant la possibilité de faire connaître leur point de vue avant que ne soit prise une décision finale, pouvant éventuellement contraindre juridiquement Google. Or, pour l'Hotrec - association européenne regroupant 42 associations nationales d'hôtellerie-restauration venant de 27 pays de l'Union européenne -, la proposition de Google est loin d'être satisfaisante.
La proposition de Google est "marginale voire contre-productive"
"Joaquin Almunia, vice-président de la Commission en charge de la politique de la concurrence, ne devrait pas mettre fin à l'enquête en cours sur l'abus de position dominante de Google dans les domaines de la recherche en ligne et des annonces publicitaires liées au recherches en ligne", déplore ainsi Kent Nyström, le président de l'Hotrec, pour qui "la proposition d'engagement modifiée est marginale voire contre-productive". Et d'insister : "Les résultats de recherche naturelle pour les hôtels et les restaurants doivent avoir une chance d'apparaître directement dans Google, et pas seulement par le biais des agrégateurs payants comme les agences de voyage en ligne (OTA), les sites d'avis ou les méta-moteurs de recherche tiers."
L'association de l'industrie hôtelière européenne considère que les engagements de Google ne sont pas suffisants pour garantir la neutralité de Google en tant que moteur de recherche. Pour l'Hotrec il est essentiel de s'assurer que le référencement naturel ne soit pas désavantagé par rapport a référencement commercial ou promus (par le biais de services de méta-moteurs de recherche ou par les résultats provenant directement des outils de recherche spécialisés de Google). Le référencement naturel sur Google est le seul moyen pour les hôtels et restaurants indépendants d'avoir une chance d'être visibles et d'offrir un lien direct vers leurs services sans payer des commissions élevées. L'Hotrec déclare qu'elle ne peut donc pas accepter les engagements actuels de Google, et réitère une fois de plus sa demande : pas plus de 30 % d'une page, sur n'importe quel écran, ne devrait être occupés par des services payants (AdWords, liens concurrents, produits de Google). Le reste de l'espace devrait être réservé aux résultats du référencement naturel. Cela donnerait une véritable chance au client de cliquer sur le résultat le plus approprié. Des études relèvent en effet que plus on descend dans la liste, moins les résultats sont probants pour les utilisateurs des moteurs de recherche.
Enfin, l'Hotrec recommande aux instances de Bruxelles d'étudier plus en détail le marché des moteurs de recherche. "Une réglementation plus stricte est nécessaire et la Commission devrait lancer une initiative pour faire interdire la publicité et les achats de noms de marques comme mots-clés par les OTA sur les noms des hôtels", affirme Markus Luthe, membre du comité exécutif de l'Hotrec et directeur général d'IHA, une association hôtelière allemande.
Publié par Pascale CARBILLET