Les uns cherchent à recruter, les autres recherchent un emploi. Leur point commun : la cuisine. Les premiers, des passionnés, en ont fait leur métier. Les seconds sont prêts à se former pour passer derrière les fourneaux. Au regard de la pénurie de main-d’œuvre dans le secteur de la restauration, ces profils complémentaires sont amenés à se rencontrer, échanger, pour collaborer. C’est ce qu’il se passe au sein du dispositif de formation Cuisine Mode d’Emploi(s). Créée en 2012 par le chef étoilé Thierry Marx, cette école a d’abord ouvert dans le XXe arrondissement de Paris. Son objectif : apprendre les métiers de la restauration à des personnes éloignées de l’emploi, en situation de précarité économique et sociale. À l’instar des demandeurs d’emploi de longue durée, des bénéficiaires du RSA, des jeunes sans qualification ou encore des personnes sous main de justice. “J’ai une conviction : l’apprentissage d’un métier est non seulement une arme contre le chômage, mais également le moyen de faire des hommes libres”, explique Thierry Marx. Ainsi Cuisine Mode d’Emploi(s) forme aussi bien à la cuisine qu’à la boulangerie et au service en restauration. Elle vise des personnes en reconversion ou en marge du monde du travail et leur propose un cursus de 12 semaines avec, à la clé, un diplôme reconnu par l’État et la branche professionnelle.
250 personnes formées chaque année
En pratique, les formations sont dispensées par des professionnels qui ont exercé le métier dans des établissements de renom. Une façon de donner envie de travailler dans un secteur où l’ascenseur social existe encore. Et ça marche ! Chaque année, 250 personnes sont formées dans l’une des écoles Cuisine Mode d’Emploi(s) : on en recense une vingtaine aujourd’hui en France, dont certaines sont itinérantes. Mieux encore : depuis 2012, près de 90 % des stagiaires inscrits ont été recrutés. Thierry Marx parle de “réseau solidaire” pour trouver un emploi et d’une dynamique “RER”, pour “rigueur, engagement, régularité”. “L’audace, c’est le piment de la vie, dit encore le chef étoilé. C’est ce qui fait que l’on va regarder plus loin.”
De l’hôtel Babel jusqu’au groupe Hyatt
D’autres concepts et d’autres initiatives font écho à Cuisine Mode d’Emploi(s). À l’instar de l’hôtel Babel, à Paris (XXe), une entreprise à mission qui privilégie les fournisseurs et prestataires engagés dans le développement durable et sensibles à l’insertion, l’intégration de personnes en situation de précarité. Ainsi les élèves de l’école Cuisine Mode d’Emploi(s) du XXe fournissent-ils le pain à l’hôtel Babel. Des liens sont également noués avec le Refugee Food Festival (lire encadré) ou encore avec un collectif de femmes du quartier de Belleville, qui concoctent couscous, pastillas et tajines pour les clients de l’hôtel. De l’échelle d’un arrondissement parisien à celle d’un groupe hôtelier international, il n’y a qu’un pas. Tout aussi sensibilisé à l’insertion professionnelle des jeunes issus de communautés défavorisées, le groupe Hyatt a mis en place, en 2018, le programme RiseHY. Sa mission : former et insérer ces populations démunies. Avec un résultat convaincant : plus de 5 700 jeunes, âgés de 16 à 24 ans, ont déjà suivi le programme RiseHY et intégré le groupe Hyatt ou l’un de ses hôtels dans le monde. Dans la région Europe, Afrique et Moyen-Orient, cela concerne 926 jeunes depuis 2018, répartis dans 96 établissements à travers 31 pays. “Hyatt concrétise son objectif d'aide à l'emploi, non seulement en créant des opportunités économiques pour les personnes issues de communautés défavorisées, mais aussi en découvrant une nouvelle réserve de talents en vue de résoudre les problèmes de pénurie de personnel et de rotation dans le secteur de l'hôtellerie”, commente Malaika Myers, directrice des ressources humaines de Hyatt Hotels Corporation. Le groupe hôtelier ne compte pas s'arrêter là. Avec son programme RiseHY, Hyatt souhaite favoriser l'embauche de quelque 10 000 jeunes, parmi les plus démunis, d’ici à 2025.
Publié par Anne EVEILLARD