Frédéric Pedrono (Alléno Paris) : "J'aime me charger du bonheur des autres"

Le savoir-faire du directeur de restaurant, qui connaît tous ses clients depuis dix ans, est un atout considérable pour la transition avec le chef Yannick Alléno. Rencontre.

Publié le 28 novembre 2014 à 12:09

Frédéric Pedrono travaille depuis dix ans au Pavillon Ledoyen (Paris, VIIIe). Il s'est formé aux côtés du directeur de salle Patrick Simiand, avant de prendre sa place en 2012. La maison, les clients et leurs habitudes font partie de son quotidien. "Pendant dix ans, j'ai entretenu un service trois étoiles Michelin avec Christian Le Squer", souligne-t-il. Depuis le 1er juillet, c'est une "nouvelle ère" qui a débuté avec l'arrivée du chef Yannick Alléno. Le Pavillon Ledoyen devient Alléno Paris.

La transition se fait en douceur. "J'ai envie d'écrire quelque chose avec Yannick Alléno. Il fourmille de projets", dit Frédéric Pedrono, qui sent une nouvelle dynamique dans son travail. "Notre objectif : garder les trois étoiles !" Les deux hommes, issus de la même génération, apprennent à se connaître, communiquent. Ils ont tout d'abord donné un coup de neuf au restaurant gastronomique (40 couverts), situé à l'étage. Les arts de la table ont suivi (lire ci-dessous). 
 

Un service synchronisé

Le service est également en train d'évoluer. "Il y a une structure et un encadrement du groupe très forts", admet-il. L'équipe est passée de 15 employés à 23 en salle. Le service doit dorénavant être synchronisé. Les clients d'une même table sont débarrassés et servis en même temps, ce qui implique un changement d'organisation. "Un commis pose le plateau sur un X. Le reste de l'équipe doit pouvoir se libérer, selon le nombre de clients, pour servir la table. Le service, c'est d'abord les yeux."

L'autre changement majeur pour Frédéric Pedrono : une prise de commande plus longue. Cette dernière requiert davantage d'attentions envers le client. Car, petite particularité, celui-ci choisit d'abord son plat principal. Le directeur de salle le guide ensuite pour équilibrer et composer son menu. Sachant qu'un client peut prendre jusqu'à quatre mises en bouche, qui seront servies au fur et à mesure, le bon de commande doit être précis et suivre l'ordre de dégustation approprié. "Mon travail : personnaliser. Le client doit avoir le sentiment que l'on a cuisiné et servi uniquement pour lui", précise le directeur.

"J'ai été élevé à l'école de la vie, explique celui qui a eu un parcours atypique. J'aime partager, me charger du bonheur des autres." Il humanise tous ses faits et gestes. Mais, surtout, il écoute et comprend son personnel. Car "sans lui, on est rien. Je sais être sympa quand il le faut et rigoureux quand cela s'impose." En 2015, la table gastronomique déménagera au rez-de-chaussée donnant sur une terrasse avec vue sur les Champs-Élysées. Pour Frédéric Pedrono, la "belle aventure" ne fait que commencer.

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On a aimé...

• La découverte de fromages peu connus au chariot. On n'y retrouve pas seulement des classiques AOC. "La maison souhaite faire découvrir des fromages peu connus aux clients, issus de petits producteurs. On se fait livrer par les fromagers Gilles Clayeux, Bernard Anthony et la MOF Marie Quatrehomme. Sur le chariot, changé régulièrement, on a toujours une pièce d'exception : en ce moment un bleu de Termignon de 10 kg", explique Frédéric Pedrono. S'y ajoutent, par exemple, le cône de chèvre de Paul Georgelet, un vieux comté de 36 mois et quelques classiques : saint-nectaire, livarot. Pas plus de dix références sont proposées. L'assiette de fromages, présentée avec l'ordre de dégustation, est servie avec un mesclun de quinze pousses.

• La personnalisation et l'attention apportées au client. "Chaque client est unique", insiste le directeur du restaurant. Le personnel de salle s'adapte et anticipe. Par exemple, il prépare chaque midi la table d'une fidèle habituée, avec une demi-bouteille d'eau, un coussin sur la chaise et un plaid. Le nombre de détails à retenir, souvent écrits sur un cardex ou gravés dans "la tête" de Frédéric Pedrono, est colossal.

• Un souvenir offert à chaque client à son départ : le menu qu'il a dégusté, signé par le chef Yannick Alléno. L'hôtesse d'accueil lui donne aussi un financier au 'miel béton' (produit par les ruches installées sur le toit de la mairie de Saint-Denis), siglé Yannick Alléno.

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Les arts de la table

L'étage - où se situent le restaurant gastronomique et les salons - a été rafraîchi. Seul le décor fin XVIIIe est resté intact. La moquette et les chaises ont été changées, les rideaux rouges ont cédé la place à des stores gris perlé. La salle est plus contemporaine. Les guéridons ont été supprimés pour laisser place à des X. Les arts de la table ont également été revus. Recouverte d'un juponnage gris perlé, puis d'une nappe blanche Le Jacquard français, la table est épurée : assiette d'attente Bernardaud au motif doré, cuillère effet doré du fabricant italien Broggy, assiette à pain avec une serviette blanche Le Jacquard français pliée en deux. Au centre de table : une fleur blanche, un contenant avec la fleur de sel et le poivre concassé de Malaisie et un photophore le soir.

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Côté sommellerie

Vincent Javaux travaille depuis sept ans dans l'établissement, dont trois ans en qualité de chef sommelier. Ce Rochelais, passé chez Christopher Coutanceau, travaille actuellement sur la reconstruction de la cave. "On repart de zéro depuis juillet. On mise sur une carte vivante et non un amoncellement de références. Il y aura des grands domaines, mais aussi des découvertes." L'essentiel des différentes régions viticoles françaises seront couvertes - principalement la Bourgogne, la vallée du Rhône et Bordeaux. Dans un deuxième temps, Vincent Javaux s'attaquera aux vins étrangers (Italie et Espagne en priorité).

À la carte : un chinon rouge Bernard Baudry cuvée Les Grézeaux 2012 à 55 € pour la bouteille la moins chère et un Lafite Rothschild 1982 à 8 000 € pour le flacon le plus onéreux. La région de prédilection des clients ? "Des bourgognes blancs, car la carte du chef est très orientée sur les produits de la mer", conclut le sommelier.

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Le briefing

Il dure une vingtaine de minutes avant chaque service. Frédéric Pedrono le structure en deux temps : il revient tout d'abord sur le précédent service. "Je pointe les erreurs et je soumets des solutions. Ce sont généralement des réglages de finesse." Le conseil du jour : "Cherchez-vous du regard. Même si vous êtes 100 % avec votre client, vous devez garder un oeil sur votre rang et savoir ce qui s'y passe."

Dans un second temps, le directeur du restaurant répartit les rangs (accueil, salle, passe cuisine). Il détaille les habitudes des clients qui ont réservé. Arrive l'explication de la carte. "Combien de temps sont cuits les artichauts ? Et dans quel type de four ?", "D'où vient le boeuf wagyu ?", "Pouvez-vous me donner les trois variétés du cacao ?", demande-t-il au personnel présent pour le service. Frédéric Pedrono met ensuite en avant une technique ou un geste de service. Enfin, le chef sommelier Vincent Javaux fait un point sur les vins (accords, techniques de vinification, etc.).


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Publié par Hélène BINET



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