Longtemps, les jeunes ont été les chouchous des recruteurs. Mais 'la grande démission' à laquelle est confrontée l’hôtellerie-restauration rebat les cartes et signe le retour en grâce des seniors. “Il y a peu encore, les employeurs nourrissaient des préjugés à leur égard : le manque de flexibilité, l’inadaptation aux nouvelles technologies, une santé potentiellement plus fragile, le coût… Mais depuis la fin du troisième confinement, de nombreux secteurs confrontés à des difficultés de recrutement se tournent vers les seniors. Nous avons même placé des cuisiniers de près de 70 ans”, confirme Jean-Emmanuel Roux, dirigeant-fondateur de TeePy Job, plateforme de recrutement et d’emploi des 50 ans et plus.
À Nice, Frédéric Ghintran, gérant de deux établissements (la brasserie Felix Faure et le restaurant Oscar), a ainsi recruté trois seniors - l’un en cuisine, l’autre en salle et le troisième au poste d’économe. “On a eu beau revaloriser les salaires, installer des pointeuses, instaurer deux jours de congé par semaine... Rien n’y fait. Les recrutements sont compliqués. Je pense que la restauration continue d’avoir mauvaise presse, à cause des pratiques du passé”, raconte-t-il. Le restaurateur poste alors un message sur les réseaux sociaux. “Nous avons reçu de nombreux appels pour ces CDD saisonniers à temps partiel, mais beaucoup de candidats n’avaient pas les qualités requises, et on n’a pas le temps de les former. On a choisi ceux qui sont du métier et qui sont directement opérationnels. Les seniors connaissent les codes de l’entreprise, ils respectent les horaires, ils sont propres et polis… Des codes que, malheureusement, on a de plus en plus de mal à faire appliquer. Leur rythme est moins élevé qu’une personne plus jeune, mais c’est compensé par l’expérience”, précise-t-il.
L'atout du savoir-être
De son côté, Muriel Lacroix-Pringarbe, directrice générale du groupe Rose de la Morinière, recense une quinzaine de seniors dans ses équipes (soit le tiers des effectifs). “À Cholet, c’est quasiment le plein emploi. Le seul vivier, ce sont les plus de cinquante ans”, constate-t-elle, ce qui l’a poussée à organiser, en partenariat avec le Medef local et la mairie, un job dating spécial senior en juin dernier. “Nous avons cinq établissements : l’hôtel Château de La Morinière, la Brasserie du théâtre à Chemillé, Maison gourmande en centre-ville de Cholet, La Pergola dans le parc de Moine et le Restaurant du golf à Cholet. Pour ce type d’adresses, les recrutements de seniors s’avèrent réussis, en harmonie avec la clientèle. Les seniors sont des personnes rassurantes, pour les clients et pour les employeurs. Ils ne rechignent pas devant certains horaires, ils ont l’intelligence des situations. Ils incarnent des valeurs qu’on recherche et qui sont précieuses. Un savoir-être qu’ils peuvent transmettre aux jeunes de l’équipe. On est surpris par leur sur-motivation, si bien que nous avons embauché certaines personnes en reconversion, sans expérience de nos métiers, mais qui avaient un très bon savoir-être. Le savoir-faire est plus simple à enseigner que le savoir-être”, constate l’employeuse.
Des rythmes adaptés
Les seniors, généralement plus stables que les jeunes générations friandes de nouvelles expériences, réduisent le taux de turn-over des entreprises. Ils sont prêts à y finir leur carrière. En revanche, leur rythme de travail doit souvent subir des adaptations. “Le quinquagénaire recherchera idéalement un temps plein. Le retraité actif préfèrera un temps partiel, pour un cumul emploi-retraite. Certains postes pourront alors être divisés en deux ou trois, afin de créer des contrats aux horaires allégés”, note Jean-Emmanuel Roux. Pour ce dernier, le seul frein actuel n’est donc plus du côté des employeurs, mais plutôt “chez les seniors qui, parfois, n’osent plus postuler en raison de leur âge”.
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Publié par Violaine BRISSART