L'activité d'un établissement tient beaucoup à la présence du patron, à sa personnalité, au message que lui et ses équipes font passer à la clientèle. Que veut le client aujourd'hui ? De la qualité, de l'expérience, de la sincérité. Ce n'est pas un métier simple. La France s'est donné pour objectif la barre des 100 millions de touristes à l'horizon 2020. Notre branche représente 2 millions de salariés, mais c'est un secteur en tension. La pénurie de personnel ne fait que s'aggraver, elle engendre des fermetures, freine le développement. L'emploi, aujourd'hui, c'est la mère de toutes les batailles. A une époque, quand on reprenait une affaire, l'acquéreur s'inquiétait de devoir reprendre le personnel. La situation s'est inversée. Je connais des chefs d'entreprise qui n'ont pas donné suite à un rachat parce qu'il n'y avait pas le personnel derrière.
Quelles solutions mettre en oeuvre selon vous ?
Les nouvelles générations veulent concilier contraintes professionnelles et mode de vie personnel. Ajoutons à cela les résultats de cette nouvelle enquête du Fafih/ BVA sur l'attractivité du secteur, qui révèle que les jeunes, lorsqu'ils recherchent un emploi, ont deux priorités en tête : gagner de l'argent et avoir un travail intéressant. Au GNI, nous estimons qu'il faut agir sur la reconnaissance des diplômes et la grille des salaires. Pour un même poste, une personne avec diplôme est à peine plus rémunérée qu'une personne sans diplôme. Ce n'est pas attractif. Si on demande à une personne de parler plusieurs langues à l'accueil, la rémunération doit être en adéquation. Malheureusement, toutes nos entreprises ne sont pas en situation d'augmenter suffisamment les salaires. Nous devons agir sur d'autres leviers.
Quels sont-ils ?
Le pouvoir d'achat et les conditions de travail. Nous avons été à l'initiative de la mutuelle obligatoire pour tous nos salariés et nous pouvons développer d'autres aides pertinentes. Je vous rappelle que nous aidons les jeunes à passer leur permis de conduire à hauteur de 700 euros. Nous sommes conscients que les contraintes du quotidien sont souvent amplifiées pour les salariés du secteur par rapport à d'autres. Il faut que notre action sociale aille un peu plus loin, peut-être dans le cautionnement ou l'acquisition d'un moyen de transport. Les petites entreprises n'ont pas de CE. Un restaurateur qui veut faire profiter une salle de sport à ses salariés durant la coupure est fiscalisé en avantage en nature. Il faut que nous obtenions des possibilités d'intégrer dans les accords d'entreprise des avantages propre à nos structures et qui ne soient pas fiscalisés.
Des éléments qui peuvent aussi contribuer à changer l'image du secteur…
L'étude du Fafih montre également que les jeunes n'ont pas une si mauvaise image de notre secteur mais que plus de 50% veulent pouvoir s'épanouir dans leur métier et avoir un plan de carrière. Un serveur n'est pas un simple porteur d'assiette, c'est un vrai commercial. Il faut reconnaître ces nouvelles fonctions. Quand un jeune intègre un petit établissement, les possibilités d'évoluer sont limitées. Nous devons changer d'état d'esprit et accompagner nos salariés en les aidant à trouver du travail ailleurs à un moment de leur vie. Nous devons devenir une profession solidaire, qui s'organise, un peu sur le principe du compagnonnage.
Et la formation ?
C'est une clé essentielle. Le travail fait sur l'apprentissage va dans le bon sens, il redonne la main aux professionnels. Nous devons revoir les contenus des formations, des gestes, des postures. Et il faut créer un sas de transition pour les jeunes, il faut leur donner la possibilité de changer d'avis. Et il faut aussi davantage de brassage. Nous devons pouvoir les envoyer à l'étranger plus facilement. Nos chefs d'entreprise doivent eux-aussi accepter de se former, au management ou à la gestion. Je crois également beaucoup dans le e-learning.
En dehors de l'emploi, quels sont les autres chantiers immédiats du GNI ?
Les OPCA disparaissent au profit de nouvelles structures : les opérateurs de compétences, OPCO. Ils nous mettent avec les services de proximité, l'artisanat, les professions libérales... Cela ne nous convient pas du tout car notre secteur, qui recouvre de toutes petites entreprises et de très grands groupes, ne peut pas s'y retrouver. L'autre question qui nous anime, c'est la gouvernance de ces OPCO ; est-ce que ce sera la branche ? Les OPCO ne seront pas des organismes collecteurs. Comment va-t-on gérer les besoins financiers des filières. La nôtre, à forte main-d'oeuvre, a besoin de fonds plus importants que d'autres ? Nous devons travailler ensemble, en dehors de toute chapelle, si nous voulons conserver la main sur notre avenir. Et il y l'assurance chômage, avec tout ce qui est envisagé. Le bonus/malus pour les contrats courts est une catastrophe pour les contrats d'extra, or certains métiers, comme celui de Traiteur organisateurs de réception, n'a pas d'autres choix. Je crains que le calcul des sur-cotisations annoncées se fasse sur des statistiques et fasse fi, encore, de la réalité économique du terrain. Les traiteurs en France sont déjà fortement concurrencés par des sociétés qui viennent de l'étranger et ne sont pas soumis aux mêmes règles. Qu'on cesse de surtaxer les acteurs locaux. On tue l'activité au lieu de dynamiser l'économie.
Publié par Sylvie SOUBES
vendredi 5 octobre 2018