Fin octobre 2014, une restauratrice parisienne (qui souhaite rester anonyme) titulaire d'une autorisation de terrasse ouverte de 20 m2 et d'une contre-terrasse d'environ 24 m2, reçoit un courrier de la mairie de Paris lui précisant que ses services ont pu constater que sa terrasse ouverte bénéficiait d'un chauffage. On l'informe que ce type d'équipement est désormais soumis à un droit de voirie additionnel et indivisible, d'un montant annuel de 583,46 € par mètre carré (tarif pour les voies situées en 2e catégorie) pour les installations situées en voie piétonne. Il lui est aussi précisé que si elle n'opte pas pour une telle installation pour 2015, elle doit avoir retiré ses parasols chauffants avant le 31 décembre 2014 et informer les services de la ville.
Face aux montants exorbitants réclamés, la restauratrice décide de les retirer et en informe l'administration. Elle pense donc être tranquille, mais, un mois plus tard, elle reçoit un avis de paiement pour la taxe de chauffage d'un montant de 12 256 € pour 2014, alors qu'elle paye 7 675 € de droits de voirie - ce qui comprend les droits pour sa terrasse et contre-terrasse ainsi que pour les stores et enseignes. "Ce qui fait cher pour uniquement deux petits appareils au dessus de quatre tables, soit un total de 4 m2 utilisés uniquement dans les périodes froides, car nous n'avons pas opté pour une terrasse entièrement chauffée et encore moins fermée", s'insurge-t-elle.
"On ne nous a pas laissé le choix"
Mais, comme le rappelle le courrier, ces droits sont appréciés annuellement, de façon forfaitaire et indivisible : ils s'appliquent quels que soient le temps de présence effectif au cours de l'année et les dates de pose ou de dépose. Même si ces appareils sont utilisés uniquement pendant quatre mois, le professionnel est redevable de la taxe pour toute l'année. Ce qui révolte le plus la restauratrice en question, c'est d'avoir été mise devant le fait accompli. "On ne nous a pas laissé le choix. Alors qu'en avril j'ai reçu un avis de paiement pour mes droits de voirie au titre de l'année 2014, ce n'est qu'en octobre que l'on nous a informés de cette nouvelle taxe, en nous laissant comme seul choix de la payer pour 2014. Aucune information au préalable pour une taxe exorbitante que l'on n'a pas pu budgéter dans notre bilan."
La majorité des professionnels de la rue ont décidé de supprimer purement et simplement les chauffages de leurs terrasses, même si certains ont les ont conservés pour le confort de leur clientèle, à l'instar de Philippe, qui constate : "Alors que le Gouvernement prône la relance de l'économie, incite les entreprises à embaucher avec le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, et à faire des investissements, le bénéfice de cet avantage est ponctionné par la mairie de Paris qui nous taxe de plus en plus. Dans l'année, il y a peu de mois où l'on utilise ces parasols chauffants, le coût ne sera pas compensé par notre activité". Si le professionnel n'est pas opposé à payer, il souhaite des montants raisonnables.
70 000 € pour l'année 2013
Fin 2013, sept restaurants de la place du Tertre à Montmartre € se sont vu notifier cette nouvelle taxe chauffage (appelée 'droit de voirie additionnel' dans les textes). La facture est salée : on leur réclame à chacun 70 000 € pour l'utilisation du chauffage sur les contre-terrasses installées du 1er avril au 31 octobre, au milieu de la place. Non seulement ils doivent payer au titre de l'année 2013, mais aussi pour 2012. "Vous imaginez que les seuls sept restaurateurs de la place du Tertre sont redevables d'une taxe représentant un montant d'1 M€", tempête Henri Boulard, propriétaire de la Crémaillère.
Avec ses confrères (les établissements Au cadet de Gascogne, Chez Eugène, La Bohème du Tertre, Le Clairon des chasseurs, la Mère Catherine et Le Sabot rouge), ils font cause commune et montent au créneau. Le plus ubuesque étant qu'au regard du règlement de la ville de Paris, les parasols chauffants ne sont pas autorisés sur les contre-terrasses. "Nos interlocuteurs à la mairie nous ont dit qu'il est interdit d'avoir des chauffages sur des contre-terrasses et, comme c'est interdit, on nous taxe", explique le patron de la Crémaillère. Refusant de payer ce qu'ils qualifient "d'escroquerie" et de "racket organisé", les sept restaurateurs ont engagé un recours devant le tribunal administratif pour demander l'annulation des avis de taxation. Selon leur avocat, Philippe Meilhac, "Alors que ces professionnels sont redevables pour leurs terrasses de droit ordinaire de voirie d'un montant d'environ 16 000 €, ils sont redevables au titre de cette taxe d'une somme de 70 000 €, ce qui constitue une taxation confiscatoire et discriminatoire". L'audience publique devant le tribunal administratif de Paris doit se tenir le 12 mars à 15 h 30.
Publié par Pascale CARBILLET