Ancien second de cuisine, passé par la gérance d'une boulangerie, Sylvain Perreau est aujourd'hui sur le marché du travail. En un an, il a essuyé plusieurs échecs. "Lorsque j'ai repris contact avec mon réseau, ça a été un choc, s'étrangle l'homme de 44 ans, qui a pourtant côtoyé les plus grandes maisons de Paris. Avant, il suffisait d'envoyer son CV, de passer quelques coups de fil. Là, je suis entré dans un labyrinthe de démarches fait de rencontres avec des agences, des mailings par centaines. Les modes de recrutement ont fondamentalement évolué. Le bouche-à-oreille est mort."
Plus pudiquement appelée la cooptation, ce système de réseautage n'a en effet plus le vent en poupe. Première cause, l'inégal rapport de forces entre employeurs et employés, dû à la pénurie de main-d'oeuvre. Résultat : tout le monde s'arrache les mêmes candidats et le turnover devient monnaie courante. "On vit dans l'ère du zapping, analyse Régine Ritzenthaler directrice de l'agence Stylma. Les codes ont changé, même le CDI n'est plus un sésame. (…) Le bouche-à-oreilles ne marche plus, parce que, quand on a un bon salarié, on le garde !"
Tester les candidats
Conjoncture oblige, les employeurs sont donc de plus en plus frileux et préfèrent passer par des processus de recrutement très formalisés. "Nous testons souvent les candidats avec une mission d'intérim, avant de les positionner sur des postes longue durée", ajoute Régine Ritzenthaler. Mais cette frilosité des recruteurs peut également s'expliquer par la législation du travail. Plus complexifiée et contraignante, elle a tendance à rebuter les restaurateurs comme les hôteliers. "Embaucher quelqu'un par bouche-à-oreilles, c'est prendre un risque, explique Stéphane Houri, de l'agence Interim Co. Et avec la recrudescence des contentieux prud'homaux, plus grand monde n'ose le prendre."
S'ouvrir à de nouveaux profils
Et ce n'est pas Aude, qui vient de faire ses premiers pas de réceptionniste, qui va se plaindre de cette nouvelle approche du recrutement. "Je ne viens pas d'une école hôtelière, mais je parle trois langues vivantes. Le copinage aurait eu pour effet de m'exclure de fait, car je n'ai aucun réseau dans le secteur."
Pas d'alarmisme donc, mais plutôt des changements à opérer pour mieux recruter. "Les entreprises recherchent des professionnels expérimentés, mais ayant de fortes exigences comportementales", résume Laura Benoumechiara, talent manager chez Louvre Hotels. Celle qui voit affluer de plus en plus de candidatures issues d'écoles de commerce se réjouit de "s'ouvrir à de nouveaux profils". Même enthousiasme chez Julien Léguillon, directeur emploi du Groupe Flo, qui conclut sur "la révolution du secteur en terme de pratiques RH et managériales. Grâce à la professionnalisation de nos process de recrutement, nous avons fait chuter notre turnover de 70 % à 30 % en trois ans", insiste-il.
Publié par Mylène SACKSICK