"En trois mois, j'ai visité une quarantaine de restaurants dans tout Paris. J'ai fini par m'installer à 500 mètres de chez moi, ce qui me facilite la vie pour ma famille et dans un quartier que je connais bien", explique David Toutain, ancien chef de l'Agapé Substance à Paris (VIe). Jeune père, il a décidé aussi de fermer le week-end. La qualité de vie est une priorité.
L'ancien restaurant franco-japonais de la rue Surcouf (VIIe) est méconnaissable après les huit semaines de travaux qui ont permis à David Toutain de créer un univers autant épuré que chaleureux mêlant bois, béton et verre. Pas de gros oeuvre, seul l'escalier menant au 'salon O' a été détruit, déplacé et reconstruit. La création du restaurant a cependant demandé beaucoup de temps car le nouveau patron a le sens du détail. "Ouvrir un restaurant, ce ne sont que des détails, dit-il sans préambule. J'ai travaillé avec des architectes, qui ont suivi mes envies. Ensuite, il faut valider ou non, faire des arbitrages en tenant compte des finances. Pour les tables sur mesure, le plateau est en chêne en bas et en noyer, moins cher, en haut. Mais les deux sont comme je le souhaitais."
Côté financements, David Toutain reconnaît avoir eu de la chance avec sa banque, le Crédit du Nord. Ses interlocuteurs ont bien sûr étudié le business plan mais, explique le chef, "ils n'ont pas pensé qu'aux chiffres. Ils ont pris en compte mon parcours. Il faut que les banques accordent de la valeur à nos C.V.".
Les 130 m2, dont 26 m2 consacrés à la cuisine, accueillent 22 couverts dans la salle principale et 10 dans le Salon 0. "Pendant un an et demi, à l'Agapé Substance, j'ai cuisiné tous les jours sous une cinquantaine de paires d'yeux. Finalement, je pense que la cuisine doit garder un peu de mystère donc il n'y a pas de cuisine ouverte. Et puis, si un jour je suis en retard, les clients ne seront pas déçus. En revanche, je vais les voir en salle. En cuisine, nous ne privons pas d'aller présenter les plats aux clients", explique David Toutain.
Carte blanche
Quatre personnes en cuisine et quatre en salle, sous la direction d'Alejandro Chavarro, rencontré lorsqu'il était stagiaire à Mugaritz, en Espagne, l'équipe est jeune. "Je suis le plus vieux, reconnaît le chef en rigolant. C'est une équipe qui vit l'ouverture et l'aventure avec moi. C'est important"
"Je conserve le principe de la carte blanche. Le midi, il y a un menu trois plats à 42 €, un menu à 68 € (7 plats) et à 98 € (10 plats) qui passe à 158 € avec les vins. Un menu truffe arrive (158 € ou 210 € avec les vins)", explique le jeune patron. À la carte, on retrouve deux plats signature : l'oeuf-maïs-cumin et l'anguille fumée sésame noir. "Ils sont sur de nouveaux supports. J'en ai 20 différents dont 80 % que j'ai dessinés et fait fabriquer par des artisans. Le support m'inspire. Je finalise le plat par rapport à l'assiette, résume David Toutain. J'ai beaucoup travaillé sur les arts de la table, y compris les couteaux créés tout spécialement par l'artiste coutelier belge Antoine Van Loocke. J'avais une idée précise du couteau que je souhaitais et je l'ai vu en ligne. Je l'ai contacté et j'ai adoré son concept : les lames comme les bois pour les manches sont de la récup. Il les taille et les polit pour que le format de la lame soit identique même si elle porte toujours le nom du fabriquant initial, puis il crée les manches dans des bois différents, même troués par les mites. Chaque couteau est unique", s'enthousiasme-t-il.
Toujours dans le détail, la carte en coton manuscrite est un choix motivé par l'envie de donner une sensation agréable au toucher. David Toutain n'a rien laissé au hasard.
Dans quelque temps, il pourra finaliser son restaurant avec une bibliothèque, des rideaux, la rambarde de l'escalier, les toilettes en bon état mais pour lesquels il va fignoler les... détails. En attendant, il savoure cette ouverture qui attire beaucoup de monde. Y compris d'anciens clients qui lui déclarent : "Cela fait du bien de retrouver votre approche de la cuisine, qu'on apprécie mieux dans ce cadre moins 'labo', et en ayant notre propre table." Quand les clients valident les choix, le patron peut avoir le sourire.
Publié par Nadine LEMOINE