Dans le cadre de Marseille 2013, capitale de la culture, Cuisine en friche a fait cohabiter, du 11 au 15 septembre, spectacles de danse, démonstrations de haut vol, concerts et repas très orchestrés sous chapiteau. L'événement, qui s'est tenu à la Friche Belle de Mai à Marseille, a joué à fond le mélange des genres et des publics, quitte à bousculer pour susciter le débat. Ainsi, les avis ont été partagés sur le 'banquet scientifique', car parmi ceux qui se sont attablés, certains n'ont pas été séduits par la dégustation d'épluchures de légumes comme illustration de la réflexion 'gaspillage alimentaire et récupération', thème de la soirée.
Pendant le grand marché, des producteurs de très belle qualité, rassemblés par la chambre d'agriculture, ont été dérangés par les performances artistiques qui présentaient des danseurs s'enduisant le corps de boudin noir. Le public, lui, était assez décontenancé, ce qui n'a pas surpris Fabrice Lextrait, directeur des Grandes Tables : "C'est cette confrontation entre art et cuisine qui est intéressante. Après, jusqu'où doit-elle aller, c'est toujours la question... Nous voulions un événement qui rassemble à la fois une dimension artistique, culinaire et intellectuelle. De ce point de vue- là, l'objectif est atteint."
Des pizzas de chefs
Plusieurs temps forts ont été salués, comme cette immense Pizza party qui réunissait dans dix camions un pizzaiolo et un chef de l'association Gourméditerranée (partenaire de l'événement), chaque duo ayant imaginé une pizza gastronomique aux garnitures inventives. La soirée Images gourmandes avait fait le pari d'une séquence du spectateur culinaire : les chefs, chacun servant sa cuisine d'un soir dans une carriole, ont pu rendre hommage à certains extraits mythiques du cinéma comme les oeufs au plat de Poulet au vinaigre, l'aïoli de Marius et Jeannette, ou le bouillon de Tempopo.
Pendant ce temps, Yvan Cadiou inventait une nouvelle forme de show culinaire mêlant souvenirs, musique, démonstration, et repas dans son spectacle Ma Puce, à table. Sous le chapiteau adjacent, Massimo Bottura servait quant à lui un repas mythique autour de la polenta, et le danseur Radhouane El Meddeb livrait en un même temps une chorégraphie et une recette de couscous.
Pour les passionnés, les démonstrations Omnivore ont permis de découvrir des chefs qui ont conquis le public, plus encore par le message volontaire de partage culinaire qu'ils véhiculaient que par leurs recettes. On retiendra notamment Kamal Mouzawak, à l'initiative du Souk El Tayeb au Liban, dont les projets sont toujours au service de l'échange et de la paix entre les civilisations. Ce sont encore des histoires qui ont été racontées comme celle de Fatéma Hal autour de la place des femmes dans la cuisine marocaine, ou de Slim Ben Challah, chef franco-tunisien de Marrakech, qui souhaite revendiquer une 'nationalité méditerranéenne'.
On retiendra de cette effervescence une belle ouverture de la cuisine vers la Méditerranée et une émulation très positive qui a laissé s'improviser des instants assez magiques, tel "Massimo Bottura qui, après son dîner Polenta, se met à faire une pizza, là, à minuit et demi. C'est un beau moment", confiait, ravi, Fabrice Lextrait.
Publié par Anne GARABEDIAN