Après avoir vu dans le précédent article de la série le rôle de formateur dans la fonction du dirigeant, comment l’entreprise libérée conçoit le recrutement ?
Le recrutement se fait sur la base de la vision et des valeurs de l’entreprise. L’objectif consiste à s’assurer que le candidat les partage. La nouvelle recrue peut ne pas les partager, auquel cas, on lui explique qu’elle ne va pas s’épanouir dans l’entreprise. Si en revanche elle les partage, on lui explique que son rôle sera de contribuer à la réalisation de cette vision-rêve commune dans le respect des valeurs de l’entreprise et que ça sera à elle de trouver comment le faire dans le périmètre de ses responsabilités. Bien sûr, cette question ne sera effective qu’une fois l’obstacle du salaire équitable levé entre le recruteur et le candidat. L’entreprise voudra se positionner un peu au-dessus du marché du travail (pas trop pour ne pas attirer que par ce biais, ni en dessous, car ce ne serait pas juste). Certaines entreprises libérées vont même plus loin, demandant aux recrues à quel rôle/mission ils souhaitent contribuer le plus. L’idée est que le salarié soit le plus motivé quand il utilise ses qualités dans le rôle/mission qui le passionne.
Vous parlez de partage des valeurs, mais certains candidats qui postulent en sont dépourvus. Ils ne manifestent aucun respect pour l’employeur, ils ne préviennent même pas pour annuler un entretien…
Cela peut arriver. Mais étaient-ils comme ça, dès leur premier emploi ? Et s’ils se rendaient compte que vous étiez la première personne qu’ils rencontrent qui leur témoigne de la considération et de la bienveillance, vous ne croyez pas que leur attitude changerait ? Le pionnier de la libération d’entreprises en France, Jean-François Zobrist, ancien directeur général de la fonderie Favi, disait : “L’homme est comme on le regarde.” Si l’homme ressent un regard dépréciatif, il se montrera par ses cotés négatifs. Et à l’inverse, s’il sent qu’on ne le juge pas a priori, qu’on est prêt à lui faire confiance, il voudra se montrer digne de cela. Certes, il y aura des exceptions, mais la grande erreur de beaucoup d’entreprises est de concevoir leur management pour les exceptions et faire subir la méfiance et les contrôles à la majorité.
Pourtant, les jeunes générations, dont on dit qu’elles seraient plus sensibles aux questions environnementales et sociales, plébiscitent le micro-entreprenariat pour choisir des missions sur des plateformes. Est-ce contradictoire avec l’engagement que vous évoquez ou est-ce justement la conséquence d’une organisation du travail obsolète dans les entreprises traditionnelles ?
La recherche a démontré que les êtres humains ont des besoins psychologiques universels de confiance, de réalisation de soi et d’autonomie. Si un professionnel ne pense pas les satisfaire dans les entreprises en tant que salarié et s’il a une possibilité de gagner sa vie en contractuel, il risque de choisir la deuxième solution. Donc cette tendance exprime surtout l’incapacité de l’entreprise traditionnelle, qu’on appelle parfois l’entreprise du père. Mais les jeunes préféreront travailler dans une entreprise libérée, appelons-la l’entreprise des pairs, plutôt que de travailler seuls.
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Publié par Olivier MILINAIRE