Christophe Pelé : "Ce métier, il faut l'apprendre et le vivre à fond"

Paris (75) À deux pas des Champs-Élysées, dans un hôtel particulier propriété du domaine Clarence-Dillon, la cuisine moderne du chef contraste avec le lieu. Un choix audacieux mais un mariage qui fonctionne, déjà auréolé de 2 étoiles Michelin.

Publié le 30 septembre 2019 à 17:25

L’Hôtellerie Restauration : Quand avez-vous su que vous vouliez devenir cuisinier ?

Christophe Pelé : Je suis devenu cuisinier par défaut. C’était le foot qui me passionnait quand j’étais jeune. J’étais sportif. J’aimais aussi l’équitation. Mais les portes ne se sont pas ouvertes. D’un autre côté, j’étais gourmand et très manuel, donc je faisais des petites choses sucrées à la maison. J’adorais la transformation de la matière. Il y a quelque chose de magique dans cette transformation et, en plus, après c’est bon. À la fin de la troisième, je n’avais plus envie de continuer l’école. J’ai fait un essai dans un restaurant, ça m’a plu. J’ai alors choisi de partir en apprentissage à Chateaurenaud, près de Tours. Je quittais le cercle familial. J’ai passé trois semaines au restaurant Les Tisons, un petit restaurant sans prétention, et une semaine au CFA de Saint-Cyr-sur-Loire, qui n’existe plus aujourd’hui. J’ai eu la chance de rencontrer un professeur formidable qui m’a encouragé. Il voyait que j’aimais apprendre et que je m’appliquais. À 17 ans, j’ai pris ma première place de commis à Chambray-les-Tours, dans un restaurant d’un niveau plus ambitieux. Je prenais plaisir à ce que je faisais.


Comment définiriez-vous votre cuisine ?

C’est une cuisine expressive. Elle laisse une grande place à la spontanéité. Une envie, un accord qui vient sur le coup. On le teste pendant le service et si ça ne passe pas, on le supprime. C’est aussi pour cela que nous n’avons pas de carte. Et que nous réagissons au quotidien, en fonction des produits.

Pour moi, il y a de réelles recettes ici. Il y a des techniques, des façons de faire. Tous les jours, nous avons la possibilité d’écouter nos impulsions. Nous sommes dans la création au quotidien. Mais on ne se met pas en danger non plus. L’important, c’est d’être régulier et juste. Il y a beaucoup de cuissons instantanées. Le sous vide n’existe pas chez nous. Tout va à la poêle ou au four. Tout se fait au toucher, à la main, avec de vrais gestes de cuisinier. C’est comme ça qu’on va plus loin en termes de goûts, de sucs… C’est ce qui est intéressant en cuisine. Bruno Cirino m’a transmis cette conception de la cuisine. Tu aimes la cuisine, puis un jour tu rencontres quelqu’un qui t’ouvre des portes : c’est magique ! On doit faire passer cette vibration auprès des jeunes. Nous ne sommes que de passage, j’en suis conscient. Donc j’attache beaucoup d’importance à la transmission. Il faut aller au bout de ce qu’on est.

 

Dans votre livre, vous dites du guide culinaire Escoffier : “Ceux qui apprennent Escoffier et se structurent sont formidables, ils ont une vraie démarche et font un travail magnifique. Je n’y comprends rien. Je n’y arrive pas.”

C’est vrai. J’ai du mal à lire Escoffier. C’est compliqué pour moi. Je pense que je ne suis pas structuré comme ça. Bien évidemment, c’est ma culture et j’ai appris toutes les bases de la cuisine classique. Je ne l’oublie jamais et je m’en nourris. Au fond, c’est comme un musicien qui apprend le solfège et qui va ensuite s’en libérer. Mais être spontané, sans structure, cela ne mène à rien. Au final, tout est question de sensibilité.

 

Y a-t-il un plat que les clients vous redemandent ?

Le turbot. On utilise aussi la joue, les barbiches. La carcasse est cuite, confite dans beaucoup d’huile, avec des herbes et de l’ail et on fait décanter. Tout le jus va rester en bas, l’huile en haut. On récupère ce jus de turbot que l’on émulsionne et qu’on monte avec l’huile d’olive très parfumée qui a cuit. Cette sauce pilpil est incroyable. Un petit riz noir japonais est servi avec la joue. Les barbiches avec la sauce vierge. Un plat a plusieurs satellites. Cela nous laisse plein de possibilités.
Quel type de manager êtes-vous en cuisine ?
Je suis très sensible à l’esprit d’équipe. J’ai fait mien cet adage : ‘Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin’. Si on fonctionne seul, on reste seul. Ce n’est pas ma conception. Ensemble, on s’enrichit, on se nourrit. Pendant le service, c’est tendu, mais c’est une bonne tension. En dehors, on accompagne les collaborateurs. Ici, on est à taille humaine et on a une atmosphère familiale, avec des échanges en permanence. Être un leader, c’est échanger, donner beaucoup de son temps et d’énergie. Je veux que mes collaborateurs soient heureux de venir au travail et aient envie de tout donner. Il faut également avoir l’humilité de se rendre compte que tout seul, on n’est rien. 

 

Comment travaillez-vous avec la salle ?

Le luxe, c’est de donner juste ce qu’il faut comme information aux clients, pas les ensevelir dessous. S’ils en veulent plus, le maître d’hôtel le sent et y répond. S’ils veulent rester concentrés sur leur conversation, on doit le respecter. L’expérience au restaurant ne se limite pas à la cuisine. C’est un ensemble de choses et on doit trouver l’équilibre pour qu’ils passent un bon moment. J’aime aussi les vrais gestes de salle, le découpage, le flambage. Mais j’ai horreur du pompeux. Pour moi, il n’y a pas la cuisine d’un côté et la salle de l’autre. Il y a une seule équipe et on travaille les uns avec les autres. C’est fondamental.

 

À la Bigarrade, vous étiez votre propre patron. Qu’est-ce qui vous a décidé à redevenir un chef salarié ?

Je cherchais une autre aventure après le Royal Monceau. La Bigarrade, c’est le résultat de plusieurs rencontres. À cette période, je me remettais beaucoup en question. Je me suis dit que faire exactement la cuisine que je voulais dans un restaurant de 20 places, c’était à tenter. On a transformé un petit bar des Batignolles en restaurant où j’inscrivais par exemple 35 € sur l’ardoise. Les clients n’en savaient pas plus. Le bouche à oreille a bien fonctionné. J’y ai rencontré Giuliano [Sperandio], mon adjoint. C’est une expérience que j’ai voulu vivre, mais au bout de six ans, il fallait que je décroche. J’étais fatigué, moins inspiré. J’ai pris du recul, rééquilibré ma vie de famille. J’ai aidé quelques restaurants mais je n’étais pas au service. Je me suis régénéré. J’ai eu ensuite la chance d’être contacté pour le Clarence.

 

Quel est le secret de la réussite ?

Le travail. On ne peut pas être à moitié dedans. Ce métier, il faut l’apprendre et le vivre à fond.

 

Un rêve à réaliser ?

Amener le Clarence à son maximum. C’est beau de commencer une histoire et de l’emmener à son apogée. Ce serait une belle réussite.

 

#christophepele# #leclarence# 

 

 


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Publié par Nadine LEMOINE



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