Dans une ville qui se pique avant tout de döner kebab, le banh mi de Babanbè détonne. Ce sandwich vietnamien mêlant legs colonial français - il se déguste entre deux tranches de baguette - et ingrédients asiatiques (porc grillé, tofu, daïkon mariné, coriandre...) défend sa place sur le marché de la restauration rapide berlinoise.
Revenus d'un voyage en Asie avec l'intention de recréer leur sandwich favori, Moritz Düttmann, Moritz Gädeke, et Paul-Philip Krengel ont cherché un lieu pour lancer un fast-food haut de gamme. Pas simple quand on sort d'une école de commerce et que l'on n'a pas d'expérience dans le monde de la restauration.
"Nous voulions inventer un concept, une expérience accessible et que nous pourrions décliner, explique Moritz Düttmann. Avec le banh mi, à la fois léger et sain, nous tenions le produit parfait. Nous étions fascinés par ses innombrables variations."
Deux ans de réflexion, un investissement de départ de 35 000 €, des proches - un père architecte, des amis designers… - prêts à mettre la main à la pâte, et un local dans le quartier de Kreuzberg leur ont permis de lancer Babanbè (trois amis, en vietnamien) fin 2010. Le succès est au rendez-vous. À tel point que les associés s'étendent sur un deuxième site, plus grand, dans le quartier de Mitte, en août 2012.
"Produits d'excellente qualité"
Large baie vitrée sur une rue tranquille, grand comptoir en marbre, murs immenses placardés de slogans aux typographies élégantes... Avec sa cuisine ouverte - qui fournit les deux établissements - et son service décontracté, l'endroit séduit une clientèle d'étudiants et de jeunes professionnels pressés. On y déguste, perché autour d'une longue table en bois, ou lové dans un sofa, des banh mi concoctés sous les yeux des clients (200 par jour en moyenne) : poulet mariné vingt-quatre heures dans une sauce au yaourt citronné, boulettes de boeuf au basilic thaï, tofu baignant dans une sauce tomate maison aux cinq épices... Sans oublier un choix de soupes simples mais efficace, des boissons faites maison et quelques salades.
"Tout est frais, et réalisé au jour le jour, à partir de produits d'excellente qualité, insiste Paul-Philip Krengel. Ce qui a un coût [9 € de ticket moyen, NDLR], et nous place dans une fourchette de prix élevée. Ici, les établissements se livrent une vraie guerre des prix, et les gens sont habitués à des tarifs très bas. Cela rend la concurrence difficile."
Mais la plus grosse difficulté rencontrée par les créateurs de Babanbé reste... la baguette. "Nous ne parvenions pas à trouver une boulangerie capable de produire ce que nous voulions, se souvient Moritz Düttmann. Ce n'est qu'au terme de trois mois de collaboration avec un professionnel que nous y sommes parvenus." Aujourd'hui, les trois jeunes entrepreneurs voient plus loin mais restent prudents. "Nous voulons faire évoluer le menu, précise-t-il. Nous avons sollicité un travail de conseil auprès de deux chefs, Max Jensen et Felix Metzger." Passés par des étoilés Michelin berlinois, tous deux ont sillonné l'Asie pendant un an. Plats à base de riz et currys devraient rejoindre une carte volontairement courte. Et, à plus long terme, Babanbè compte sur l'apport de nouveaux investisseurs - peut-être même du côté de Dubaï, soufflent-ils - pour pousser plus avant l'aventure. À Berlin ou ailleurs.
Publié par Gilles BOUVAIST