Philippe Bohrer quitte peu à peu la scène gastronomique strasbourgeoise. En décembre dernier, le chef alsacien avait confié la gestion de cinq de ses six restaurants de la capitale européenne à Cédric Moulot. Cette fois-ci, il lui vend l'affaire la plus emblématique de la ville : Le Crocodile, qu'il avait acquis en 2009. Le compromis de vente vient d'être signé. La transaction s'élève à plus d'un million d'euros.
Le chef alsacien l'assure : la perte de l'étoile Michelin en février dernier, obtenue en 2010, n'a en rien motivé sa décision. "Je n'avais pas initialement prévu de vendre Le Crocodile. Je devais même entamer de lourds travaux. Puis Cédric m'a fait une proposition... Je l'apprécie beaucoup. Il a de la fougue, de l'énergie. Et j'ai envie de me consacrer pleinement au fonds d'investissement dans les métiers de bouche que je suis en train de créer. Il me faut du temps pour aider ces jeunes qui ont plein d'idées et pas forcément de banquier pour les suivre", justifie le chef. "En parallèle, j'ai le projet d'ouvrir un nouvelle table à Washington où l'on sortirait des codes de la restauration classique. J'ai envie de faire mon métier différemment", conclut Philippe Bohrer qui, par ailleurs, garde la main-mise sur le restaurant portant son nom à Rouffach (68).
"Strasbourg manque d'un deux ou trois étoiles"
D'ici l'été, Cédric Moulot devrait prendre possession des somptueux salons (jusqu'à 160 places) de la rue de l'Outre, à deux pas de la place Kléber. À la tête notamment de la winstub le Tire-Bouchon et du 1741 (1 étoile), le restaurateur strasbourgeois de 37 ans ne cache pas son ambition pour ce qui fut l'une des tables les plus réputées de France. "J'ai beaucoup réfléchi avant de prendre cette décision. Je veux faire revivre Le Crocodile. La capitale européenne doit aussi être une capitale gastronomique. Elle manque cruellement d'un deux ou trois étoiles", lance-t-il.
Véritable institution, le Crocodile a connu son heure de gloire sous Émile et Monique Jung. Le couple avait repris l'affaire en 1971, gagné une première étoile l'année suivante, une deuxième en 1975 et enfin, consécration, une troisième en 1989, qu'ils ont conservée jusqu'en 2002. Pour redonner ses lettres de noblesse à cette institution, Cédric Moulot fera appel à un architecte de renom. "J'ai envie d'apporter une touche contemporaine au Crocodile, tout en respectant son histoire. Nous débuterons les travaux début 2016. Ils devraient durer trois mois. Côté cuisine, je cherche un chef qui a de l'expérience et propose une cuisine gastronomique de haut niveau. J'ai quelques pistes", poursuit-il, sans vouloir trop en dire. "C'est un projet ambitieux et compliqué. Je ferai sans doute beaucoup de nuits blanches. Il y a tout à faire."
Publié par Sonia DE ARAUJO