Anne-Sophie Pic : "Quand on ne se met pas en danger, on n'avance pas"

Valence (26) Début d'année enthousiasmant pour la chef triplement étoilée dans sa toute nouvelle cuisine de Valence, dont elle rêvait depuis des années et pour laquelle 3 M€ ont été investis.

Publié le 02 mars 2015 à 12:45

L'Hôtellerie Restauration : Que représente pour vous cette nouvelle cuisine ?

Anne-Sophie Pic : La boucle est bouclée. David [Sinapian, son mari et président du Groupe Pic] et moi n'avons cessé d'investir au fil des années pour que cette maison, qui date de 1936, nous corresponde. La cuisine est la dernière partie rénovée. Nous avons plutôt tout cassé et reconstruit, afin de faire disparaître tous les piliers de soutien et les cloisonnements. Cela était d'autant plus nécessaire que la maison s'est développée avec l'épicerie et Daily Pic [concept de restauration rapide en verrines] et que nous avions besoin d'espace.

Nous avons créé au premier étage la pâtisserie et, pour la première fois, une boulangerie, qui produisent pour le gastronomique, la brasserie et les verrines de l'épicerie et de Daily Pic. Au rez-de-chaussée, on trouve une zone de production dédiée à Daily Pic et la cuisine du restaurant gastronomique.

Pendant un an, nous avons travaillé dans la cuisine provisoire qui va maintenant être transformée en cuisine d'essai et de recherche. Toute la création doit partir de Valence, quel que soit le restaurant. C'est la maison de mes ancêtres, un endroit simple et authentique, là où tout a commencé et où nous vivons.
 

Quels sont les points forts de cette nouvelle cuisine ?

Tout l'espace est ouvert, sans porte ni coupure. Cela permet une meilleure communication. De plus, j'ai fait le choix de mettre une table d'hôtes de six places en cuisine. Les clients y dégustent un seul plat, puis une autre table leur succède. Passer l'intégralité du repas en cuisine, je trouve que c'est beaucoup. Nous venons de commencer et nous nous rendons compte que c'est une bonne formule. Les clients viennent, sont captivés par ce qui se passe en cuisine et repartent. Dans cette cuisine blanche et pure, ils voient une partie des fourneaux, mais aussi le dressage à la pince effectué sur une table autour de laquelle nous sommes plusieurs à tourner. Il y a un peu de magie. C'est une vraie surprise pour eux et je vois dans leurs yeux que c'est une offre supplémentaire. Nous allons sûrement nous organiser en sélectionnant les dix premières réservations pour la dégustation d'un plat. Cela dit, nous proposons à tous les clients de visiter les cuisines. 
 

Pourquoi avoir fait le choix de l'induction ?

D'abord, je pense que quand on ne se met pas en danger, on n'avance pas. Nous avons déjà choisi l'induction au Beau-Rivage Palace de Lausanne et à La Dame de Pic à Paris. Maintenant, nous sommes tous sur le même matériel et on en parle entre les trois restaurants. Je sais qu'il est compliqué d'avoir les mêmes cuissons qu'avec le poêlon, mais cela correspond à mon travail d'aujourd'hui parce que je veux des cuissons minutes sur plancha et maîtriser le côté éphémère que je mets dans mes sauces. C'est le moment essentiel de ma cuisine. Certes, il faut s'approprier l'outil, mais on arrive au même résultat. Je dirais même qu'on obtient des choses très fines, voire plus fines, car ce mode de cuisson demande une précision encore plus importante.

 

Combien de plats proposez-vous ?

Nous avons neuf plats inscrits dans le menu-carte [Découverte à 160 €, Harmonie à 240 €, Essentiel à 320 €], auxquels s'ajoutent deux plats au déjeuner. J'ai adopté le menu-carte il y a un an, pendant la période des travaux, car nous avions une cuisine provisoire plus réduite. Les clients ont tout de suite adhéré. Je vais le conserver car il me permet de proposer un plat supplémentaire ou une surprise lorsque je reçois un produit très intéressant. J'ai néanmoins toujours trois ou quatre plats en plus du menu-carte pour pallier une allergie, répondre à une demande. Ainsi, il y a toujours un homard dans le vivier. Je peux aussi faire le bar au caviar à la demande. Finalement, oui, le client a moins de choix, mais on lui propose du sur mesure et il se sent privilégié. Les clients peuvent, à leur convenance, manger un plat ou deux à la carte. Cette flexibilité est nécessaire. Il faut souligner aussi que la réduction du nombre de plats se traduit par plus de travail sur chacun. Le client s'y retrouve.

 

Quel est votre plat préféré à la carte ?

La Saint-Jacques de Normandie, noix de coco, rhum et truffe, créée cette année. Tout cuit à l'intérieur de la noix de coco. Ce travail de cuisson à l'étouffée, façon cocotte lutée, est très intéressant. Il faut éplucher la noix de coco sans la fendre, ce qui demande beaucoup de dextérité. Une fois qu'elle est bien blanche et uniforme, on la creuse pour mettre la garniture aromatique et la noix de Saint-Jacques et on referme avec de la pâte à sel. Il y a des échanges de saveurs fabuleux à l'intérieur. Il faut ensuite respecter un temps de repos. Puis, on la présente sur table et la découpe se fait devant le client qui perçoit les effluves et mange le plat directement dans la noix de coco. Je suis en train de chercher des modes de cuisson un peu similaires, qui allient le show, l'inattendu, le visuel et la réalité d'un intérêt gustatif. Je veux m'échapper du beurre, de l'huile, du gras, mais c'est difficile de les lâcher parce qu'il faut trouver un autre concept qui traduit la gourmandise. Il faut garder la gourmandise, sinon, on n'est plus dans la cuisine.

 

Cela fait huit ans que vous avez décroché les 3 étoiles. Quel regard portez-vous sur le chemin parcouru ?

Cela passe si vite. Pour moi, les 3 étoiles ont été le début d'une autre période de ma vie. J'avais un devoir de mémoire par rapport à ma famille, de raccrocher à la maison les 3 étoiles que mon grand-père et mon père avaient eues. Cela m'a pris douze ans. Une fois le devoir de mémoire accompli, je pouvais m'épanouir par moi-même, regarder vers l'avenir. Je suis allée vers plus de simplicité tout en cherchant la complexité des saveurs. Pour que le client soit ému, il faut qu'il ait toutes les perceptions aromatiques, que tout cet équilibre entre la complexité et la simplicité soit lisible. C'est la lisibilité qui capture l'émotion.


Publié par Propos recueillis par Nadine Lemoine : Cécile Charpentier



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