Hausse des coûts de l’énergie : quels recours envisager ?

L’hiver n’est pas encore arrivé que le sujet du coût de l’énergie s’avère déjà particulièrement sensible. Pour bénéficier du bouclier tarifaire, l’entreprise doit répondre à plusieurs conditions, ce qui exclut donc une partie des établissements. Dès lors, quels sont les autres moyens d’agir ?

Publié le 23 mars 2023 à 13:30

Alors qu’il peine encore avec les conséquences de la crise sanitaire, le secteur des CHR fait face à un nouveau défi avec l’envolée des prix de l’énergie, du gaz et de l’électricité. Le Gouvernement a promis d’être au rendez-vous afin d’aider les professionnels les plus fragiles. Deux mesures phares ont été mises en place par le Gouvernement pour aider les entreprises : des aides financières versées par l’État (qui concernent toutes les entreprises, des TPE aux grands groupes) et un bouclier tarifaire pour limiter les prix de l’énergie.

Quelles sont les conditions pour bénéficier des aides financières ?

L’accès aux aides financières a été facilité par un dispositif nouveau, mis en place à compter du 19 novembre 2022. Pour bénéficier des aides financières, il faut que l’entreprise justifie d’une facture d’électricité ou de gaz ayant augmenté de 50% sur trois mois (en 2022 par rapport à 2021) et que la facture corresponde à 3% au moins du chiffre d’affaires réalisé en 2021. Un dossier simplifié sera mis en place pour demander les aides via un guichet unique. Le fichier de calcul de l’aide est accessible sur le site des impôts.

Qu’en est-il du bouclier tarifaire ?

Le bouclier tarifaire est un système de limitation des prix, imposé par voie règlementaire. L’entreprise bénéficiaire du bouclier se voit donc appliquer une tarification plafonnée, dont la hausse est plus limitée que celle des cours réels des marchés (le gouvernement a ainsi annoncé une hausse de 15 % du coût de l’énergie pour le tarif règlementé alors que les hausses réelles des coûts dépassent largement les 100 %).

Le bouclier tarifaire s’applique-t-il à toutes les entreprises ?

Non. Un certain nombre de conditions doivent être réunies. Il faut notamment avoir :
- moins de 10 salariés ;
- des recettes ou un bilan égal ou inférieur à 2 M€ ;
- un contrat d’électricité avec puissance inférieure ou égale à 36 kVA.
Enfin, le bouclier tarifaire ne s’applique qu’aux entreprises ayant souscrit un contrat d’énergie avec un tarif règlementé (ou indexé sur le tarif règlementé). Cela ne s’applique donc pas aux entreprises ayant souscrit un contrat à offre de marché (tarification libre, et donc impactée par les variations du marché).

Les entreprises peuvent-elles changer de contrat pour adopter un contrat à tarif règlementé ou indexé ?

Les consommateurs ont le droit de changer à tout moment de fournisseur, dans des conditions pratiquement automatiques (il suffit de faire la demande et le changement s’effectue de manière fluide entre les fournisseurs et sans coupure).
Les entreprises sont en revanche considérées comme des professionnels et sont en principe tenues de respecter le contrat qu’elles ont souscrit jusqu’à son expiration. En l’occurrence, la plupart de ces contrats prévoient même des pénalités si l’entreprise souhaite le résilier avant son terme.
Cela peut représenter une difficulté pour les entreprises qui n’auraient pas anticipé les hausses de coût et n’auraient pas souscrit de contrat à tarification règlementée ou indexée.

Quelles solutions peut-on préconiser ?

Les professionnels faisant face à une tarification trop onéreuse peuvent dans un premier temps tenter de négocier avec leur fournisseur afin de voir si une autre tarification est possible (par exemple, un tarif indexé au tarif règlementé) ou à défaut, si une résiliation anticipée de leur contrat de fourniture d’énergie est possible sans pénalité. À ce sujet, les différents médiateurs de l’énergie peuvent être utilement sollicités.
S’agissant des bases légales qui peuvent être invoquées, on pense notamment à la théorie de l’imprévision de l’article 1195 du Code civil, qui permet à un cocontractant de solliciter une révision de son contrat si des circonstances extérieures ont introduit un déséquilibre économique majeur.

Existe-t-il un recours judiciaire ?

Éventuellement, oui. D’abord, l’entreprise qui n’a pas obtenu gain de cause dans ses négociations pourrait saisir le juge d’une demande d’adaptation ou résiliation du contrat, toujours sur le fondement de l’article 1195 du Code civil. À l’inverse, si elle est en défense, l’entreprise peut demander au juge des délais de paiement pour ses factures, jusqu’à deux ans si elle justifie de difficultés financières (1343-5 du Code civil).

Et si aucune de ces solutions n’aboutit ?

Le professionnel qui fait face à des difficultés économiques ne doit surtout pas rester sans rien faire. Des solutions existent toujours. En ultime recours, le droit des procédures collectives pourrait offrir une solution opportune.
On peut d’abord envisager les procédures de conciliation ou de mandat ad hoc dans lesquelles le tribunal désignera un professionnel du droit (le plus souvent un administrateur judiciaire) pour négocier dans des conditions plus énergiques, et de manière confidentielle.
Dans les cas extrêmes, l’entreprise peut solliciter la protection du tribunal, avec par exemple une sauvegarde judiciaire si elle n’est pas en état de cessation des paiements, ou une procédure de redressement dans le cas contraire. L’intérêt de ces procédures est double : d’abord, l’administrateur judiciaire a la faculté d’imposer la résiliation d’un contrat en cours si nécessaire pour protéger l’entreprise (et donc, par exemple, d’un contrat de fourniture d’énergie mal adapté).
Enfin et surtout, les dettes accumulées au plus fort de la crise (toutes les dettes locatives, contrats de fourniture d’énergie, etc.) pourraient être échelonnées dans le cadre d’un plan pouvant aller jusqu’à dix ans.

www.novlaw.fr


Publié par Maître Baptiste Robelin, avocat au barreau de Paris



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