World Cuisine Summit 2015 : Quel futur pour la restauration ?

Lyon (69) A l'occasion du Sirha, cette question fut au coeur de cet épicentre bouillonnant où une quarantaine d'intervenants s'est succédé lors de débats et de témoignages.

Publié le 30 janvier 2015 à 15:29

Défricheur « d'idées culinaires », le World Cuisine Summit a tenu sa deuxième édition le 27 janvier, pour la première fois au sein du Sirha. Sous l'impulsion de Frédéric Loeb (Loeb Innovation), une quarantaine d'experts mondiaux - chefs étoilés asiatiques, américains et européens, décideurs économiques, politiques, sociologues, industriels et chercheurs – ont débattu des «problématiques de l'alimentation» et de «l'influence sur la santé». Malgré une crise économique qui persiste, ce colloque a pu redonner une lueur d'espoir aux visiteurs quant à l'avenir de la restauration au niveau mondial. "Fin d'une époque, début d'un nouveau cycle. Tout change, les équilibres sont rompus, indique t-il. Le marché a vu, ces dernières années, l'éclosion de nouveaux formats en rupture totale ou, au contraire, en complète réinvention de modèles tombés en désuétude : restaurants-places de marché, rues entières de concepts, food trucks à l'offre de plus en plus qualitative, restaurants pop-up, aux adresses secrètes, dans des lieux éphémères..."
 

Penser local

D'ici à 2050, il y aura neuf milliards d'individus, soit 2 milliards de plus qu'en 2013. Il faudra nourrir tout le monde, et donc « produire plus mais produire mieux. Il faudra aussi rechercher des solutions de food service pour une vie meilleure ». Sur ce constat, Frédéric Loeb a détaillé quatre enjeux planétaires. Le premier, c'est le « locavorisme » en réponse aux motivations de développement durable. L'idéal : Opter pour des produits de saison ne provenant pas de plus de 200 kilomètres. Certains cuisiniers, qui ont un potager non loin du restaurant, l'ont déjà bien compris. Car les matières premières – en particulier la viande et le poisson - vont se raréfier. Des industriels pensent à les substituer.

Me Katia Merten-Lentz, avocate au sein du cabinet Fieldfisher, a par exemple cité les insectes, qui "sont présentés comme une solution d'avenir pour rééquilibrer cette difficulté à venir entre l'offre et la demande. Mais à ce jour en Europe, on n'est pas censé pouvoir commercialiser et manger des insectes. Ce n'est pas quelque chose qui nous tentait mais a priori ça commence à être surmonté et les consommer devient un phénomène de mode. Il y a toujours ce fossé entre l'innovation, les tendances, la créativité et le rabat-joie qui est le système juridique et réglementaire." Le deuxième enjeu : la cuisine « santé monitoring ». Les consommateurs sont davantage soucieux de leur santé. Cela va se traduire par des aliments plus naturels et mieux contrôlés : bio, traçabilité, …, des modes de cuissons plus sains, un strict respect des règles de sécurité et d'hygiène. "Le consommateur a aujourd'hui un rapport différent avec l'alimentation. Il veut tout savoir pour conjurer ses peurs alimentaires, démédicaliser sa nourriture et combattre l'illusion entretenue par les discours simplificateurs", dit le sociologue Claude Fischler.
 

La technologie remplacera t'elle l'humain ?

Dans un monde ultra-connecté, chacun vit dans la précipitation, avec la volonté de vouloir tout tout de suite. Le troisième enjeu, c'est donc la « post-moderniste cuisine » avec l'intégration des nouvelles technologies. La révolution du "quantified-self" avec les objets connectés pour la santé, et la gestion des données personnelles, vont devenir un enjeu pour la gastronomie. Un restaurant concept quantified-self, baptisé "X-perience" était d'ailleurs présenté sur l'espace Sixième Sens. La robotique tape aussi à la porte des cuisines. Il a été question de robots qui pourraient prendre à l'avenir le relais…

Le système d'intelligence artificielle Watson d'IBM a suscité l'étonnement : il est capable de créer des nouvelles recettes et des combinaisons gastronomiques jamais inventées. En avril prochain, un livre, en collaboration entre IBM et l'Institut d'éducation culinaire de New York, sortira sous le titre Cognitive Cooking with Chef Watson [la Cuisine cognitive avec le chef Watson, NDLR]. L'idée : trouver "des sensations gustatives qu'un être humain seul ne pourrait pas imaginer". Dubitatif, le chef Alexandre Gauthier (La Grenouillère, La Madelaine-sous-Montreuil 62) se demande : "Est-ce qu'aller trop loin, ce n'est pas perdre son chemin ?"

Mais pas de panique pour les défenseurs de la tradition, paradoxalement, le dernier enjeu est un retour à la culture du beau geste. "Cela vise l'évolution du métier de cuisinier et la gestion des ressources humaines face à un métier appelé à connaître une refondation, dit Frédéric Loeb, citant aussi "les arts de la table qui sont finalement le support, le contenu de l'aliment. Ils ont suivi l'évolution culturelle. L'excellence déroulera l'expérience de l'accueil, partage d'humanité, au service à l'assiette, à la découpe des pièces carnées ou du poisson face au client." Lors d'une démonstration, le chef Yannick Alléno a présenté un poulet à la bouteille de sa grand-mère. "La bouteille est réalisée sur-mesure et est pratique à stériliser. La volaille garde ainsi toutes ses saveurs", dit-il. Une technique qu'aucun robot ne peut remplacer.


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Publié par Hélène BINET



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