- 7 h 30 : Affable et bon vivant, Gérard Delaunay officie comme chef de partie plats chauds à La Fermette Marbeuf, restaurant réputé du VIIIe arrondissement de Paris. Ici, les papilles et les mirettes sont en émoi. Tandis que la cuisine est incontestablement succulente, le décor Arts Nouveau est classé à l'inventaire des monuments historiques en raison de sa magnifique verrière et de ses reproductions de Botticelli. À son arrivée, l'homme prend le temps de saluer ses collègues un à un. Après avoir enfilé son tablier de travail, il file dans les arrières salles. Ma première mission est le relevé de températures des enceintes réfrigérées, confie-t-il. Son thermomètre à la main, il vérifie donc que les poissons ont bien une température inférieure à deux degrés, et les légumes à quatre degrés. Chef de partie dédié aux poissons, il jette également un oeil aux quantités nécessaires pour le service du midi. "Il nous faut 20 filets de daurade en réserve, explique-t-il, tout en s'assurant que le compte y est." Gérard remonte une quinzaine de ses filets en cuisine pour démarrer la préparation.
- 8 h 05 : L'économe récupère la marchandise du jour. Gérard se presse tel un enfant émerveillé sur les poissons. Daurades, bars, homards bleus, cabillauds, langoustines… Il vérifie à la hâte la qualité d'un oeil particulièrement avisé. En fin connaisseur, il commente : "Je regarde la fermeté des chairs au toucher. Je hume la bonne odeur du poisson frais. Je scrute l'état des ouïes, qui doivent être bien rouges. L'aspect des yeux est également un bon indicateur de la fraîcheur de la marchandise : ceux-ci ne doivent pas être creusés, signe de déshydratation, mais bien bombés." Le chef de partie appartient à l'univers très hiérarchisé de la cuisine d'un restaurant. Saucier, rôtisseur, boulanger… Lui a choisi de travailler le poisson. Très talentueux, il vise l'excellence dans son domaine.
- 8 h 15 : Planches de tailles différentes, pots à cuillères, boîtes à assaisonnement… Gérard installe consciencieusement son poste de travail. Après le poisson, il démarre la mise en place des légumes. Pédagogue, il donne les premiers éléments à son commis. Tandis qu'il démarre, un couteau bien aiguisé en main, l'épluchage des légumes et l'étournage des artichauts, il délègue à son collègue l'écaillage des poissons. "Dès qu'il y a un nouveau produit sur la carte, je prends toujours du temps pour briefer mon commis. Transmettre le savoir fait partie de mes valeurs."
- 10 heures : Une fois les portions de poissons et de légumes réalisées, il met toute la marchandise en bac pour la cuisson. Dans la foulée, il commence également la fabrication des sauces.
- 10 h 45 : Proche du chef, il ne manque jamais, chaque matin, de faire un briefing avec lui. Outre le passage en revue des plats du jour, tous deux abordent les commandes de marchandises à réaliser. "Aujourd'hui, il nous faut une caisse de bar, dix pièces de homards et des légumes pour nos artichauts poivrades." Gérer l'approvisionnement de son poste de travail fait en effet partie des compétences d'un chef de partie.
- 11 heures : Entre deux coups de fil, il vérifie que le matériel en cuisine fonctionne correctement. Le gros hachoir, le four vapeur, la trancheuse ou encore le mixeur, tout est passé au crible pour être certain de ne pas tomber en panne en plein service. "Ce serait la catastrophe assurée !"
- 11 h 10 : Aujourd'hui, Gérard a envie de tester une nouvelle recette. Il se lance alors dans la préparation originale d'un plat de topinambours infusés dans une sauce blanche poisson. "Le résultat n'est pas si mal", s'enthousiasme-t-il. Toujours sur la brèche, le chef de partie doit en effet faire preuve d'initiative et de créativité pour proposer de nouvelles recettes et participer ainsi à la renommée du restaurant pour lequel il travaille.
- 11 h 35 : Avant d'aller déjeuner sur le pouce, Gérard nettoie parfaitement son poste de travail. Une centaine de couverts sont attendus pour le service du midi. En soirée, La Fermette Marbeuf sert davantage de clients, avec une moyenne de 120 à 150 couverts. Ce restaurant 1 900 par excellence invite les fins gourmets à se régaler de plats longuement mijotés. À la carte, les spécialités de la cuisine bourgeoise, tels que le feuilleté d'escargots, la fricassée de rognon et ris de veau, ou encore le soufflé au Grand Marnier conservent une place d'honneur.
- 12 h 20 : Début du service. Le rythme s'accélère. Cuisiniers et serveurs s'agitent frénétiquement. Tandis que les uns scrutent le goût et la cuisson, les autres vérifient la présentation des assiettes. Aucune d'ailleurs ne part en salle sans l'approbation du chef, positionné au passe. "L'important est de bien rester concentré et de se coordonner pour envoyer les plats en même temps que chacune des autres parties." Une gageure que Gérard réussit à la perfection. Il faut dire que l'homme travaille en cuisine depuis ses 18 ans.
- 14 h 45 : Fin de service. Dans une mécanique bien huilée, chacun nettoie son poste de travail.
- 15 h 30 : À peine cette tâche terminée, les équipes démarrent la mise en place du soir. Mais Gérard a autre chose en tête. Il doit organiser un banquet pour le lendemain. Il anticipe alors les commandes et démarre à l'avance le taillage des garnitures. Lorsque son collègue du soir prend la relève, Gérard lui transmet les consignes du jour. Ambitieux, il rêve de passer second de cuisine. Travailleur et motivé comme jamais, il a donc décidé de suivre des cours au sein de l'université des Frères Blanc. "Il faut savoir se donner les moyens de ses ambitions", conclut-il.
Publié par Mylène SACKSICK