Voilà dix mois qu'il a quitté La Laiterie, mais la grande ombre de Benoît Bernard plane encore. On n'efface pas d'un trait l'empreinte d'un chef charismatique, qui a marqué son restaurant autant par son style que par sa cuisine. Il a d'ailleurs été l'un des tout premiers informés de la nouvelle étape de ce qui restera toujours un peu sa maison. L'intéressé coule actuellement des jours heureux à Madagascar, où il se dit qu'il taquine de nouveau la cuisine. Le bel établissement de Lambersart, à quelques minutes de Lille, a été racheté en janvier par Pascal Boulanger, chef d'entreprise lillois spécialisé dans l'immobilier et la propreté. La cuisine a elle été reprise par le second de Benoît Bernard, Steven Ramon, qui s'est vu offrir une belle promotion pour un jeune chef de 26 ans.
Après dix ans passés à La Laiterie, il s'en va sans avoir démérité, pour développer un projet personnel dans la campagne lilloise. S'il assurait déjà depuis plusieurs années en cuisine, la cohabitation avec l'homme d'affaires s'est révélée compliquée pour le jeune homme, plus à l'aise avec le style libre de son mentor. "Un choc des cultures", confirme Pascal Boulanger. En homme d'affaires pragmatique, il n'a pas traîné pour retrouver un chef à un restaurant qu'il assume comme un nouveau challenge. "Je n'y connais rien en cuisine, confirme-t-il. Mais je suis patron dans l'immobilier sans rien savoir du carrelage et du ciment. Mon métier, c'est le développement. Je m'entoure de gens compétents et j'inspire la confiance aux banques."
Jamais deux, sans trois
Un message qui a plu à Eric Delerue. Cet ancien élève de Marc Meurin, installé depuis vingt-six ans à Laventie (62) est lui aussi en quête d'un nouveau défi. Et la Laiterie n'est pas un hasard. "Je l'ai visitée une première fois à l'époque de Ludovic Vantours, mais mon expert-comptable m'a dissuadé de reprendre l'affaire. Je l'ai revue il y a quelques années alors que Benoît avait déjà des velléités de partir." Jamais deux, sans trois… L'envie de se mesurer à la métropole lilloise est grande. D'autant que les étoiles ont une fâcheuse tendance à bouder la capitale des Flandres… Mais pas question pour autant d'abandonner le Cerisier, auquel il a accroché une étoile en 2002.
Une holding a donc été créée pour réunir les deux établissements qui fonctionneront de concert. Eric Delerue en est le directeur général. "Le chef aura tous les pouvoirs", rassure Pascal Boulanger qui a néanmoins prévu des comités restreints, pour débattre régulièrement de la bonne santé de l'établissement. Le positionnement de la Laiterie restera haut de gamme. "J'arrive avec une étoile sans savoir si elle suivra", souligne cependant Eric Delerue qui prend ses fonctions mi-janvier. L'édition 2013 du guide rouge est de toute façon bouclée. Mais pas d'inquiétude pour Pascal Boulanger. "Je ne raisonne pas à six mois. Avec cette collaboration, nous sommes partis pour quinze ans."
Publié par Marie-Laure Fréchet