Tribune libre : "Pour survivre la restauration commerciale doit s'adapter"

La crise économique et la consommation des ménages en berne associées à de mauvaises conditions climatiques ont conduit à une forte chute d'activité dans la restauration commerciale. Pour Jean-François Sautereau, qui a occupé le poste de président du groupe Buffalo Grill, les restaurateurs doivent se poser les bonnes questions.

Publié le 27 août 2013 à 16:48

"Selon les chiffres fournis par le Syndicat nationale de la restauration thématique et commerciale (SNRTC), la restauration commerciale réalise un bien mauvais mois de juillet avec une baisse d'activité de l'ordre de 13,2 % par rapport à juillet 2012, une baisse d'autant plus inquiétante que 2012 était déjà en net repli par rapport à 2011. La prochaine hausse de la TVA de 3 points, de 7 à 10 %, au 1er janvier prochain inquiète à juste titre une profession qui compte 150 000 entreprises et près de 600 000 salariés.

Comment en sommes-nous arrivés là ? Une des conséquences indirectes de la baisse de la TVA en 2009 a été la relance du secteur et l'arrivée de nombreux entrepreneurs. Dans des zones commerciales où le nombre de restaurants a doublé ou triplé, le marché s'est, de fait, étalé entre les acteurs.

Baisse des prix face à cette nouvelle concurrence ou changement de comportement des consommateurs ? La baisse de la TVA, la concurrence et la chute du revenu des ménages ont contribué à faire diminuer les prix ou en tous cas le ticket moyen consommé par chaque client. Mais il faut aussi tenir compte d'autres éléments :

- un vieillissement de la clientèle habituelle des restaurants traditionnels servis à table, et un non-renouvellement générationnel ;

- une baisse de l'activité des zones commerciales qui affecte la grande distribution mais aussi les enseignes de restauration installées à proximité ;

- un développement d'une restauration plus rapide, moins chère, plus légère à midi, portée par une offre abondante dans tous les segments offrant de l'alimentaire : magasins de distribution, épiceries, boulangeries, charcuteries, caves à vins et même les magasins de sport ou de bricolage qui transforment les rues commerçantes et les zones commerciales en gigantesque offre de restauration pour le déjeuner ;

- une ouverture de l'acceptation des titres-restaurants à tout le secteur de l'alimentaire qui a favorisé les magasins de distribution ;

- une vraie offre de qualité des industriels sur des produits prêts à consommer avec des prix très compétitifs comme les 'pasta box' qui, pour 3 à 4 €, séduisent les consommateurs ;

- un retour vers le chez soi favorisé par l'offre des grands distributeurs de produits surgelés tout prêts et le renouveau de l'image de la cuisine avec les émissions phares des grandes chaînes de TV ;

- un éclatement de la consommation hors repas qui limite l'importance du déjeuner traditionnel.

 

Un écrasement de l'offre intermédiaire

Par conséquence, le secteur, en termes d'analyse stratégique, n'échappe pas au goulot d'étranglement du sablier classique de segmentation des prix. Il voit se développer dans sa partie basse une restauration rapide, plutôt en journée avec un ticket moyen de l'ordre de 4 à 12 €, et dans sa partie haute une restauration du soir, avec une demande originale, plus festive, plus originale réservée au sorties, au plaisir, au dépaysement, à la convivialité.

On retrouve ce cas de figure dans tous les pays développés, avec un écrasement des offres intermédiaires, coincées entre une demande prix-rapidité-qualité en bas et une demande originalité-plaisir-exceptionnel en haut.

Ces facteurs dits d'environnement et d'analyse des comportements clients sont des éléments sur lesquels on peut agir en refusant l'inéluctable et en agissant pour se remettre en question et s'adapter.

 

Évoluer pour renouveler sa clientèle

L'enseigne McDonald's est née il y a 57 ans. L'âge et l'histoire de la marque n'ont rien à voir avec la problématique. Ce qui fait son succès, encore à l'heure actuelle, c'est sa capacité d'évoluer en devançant les goûts et attentes du consommateur : nouveaux produits, nouvelles offres, nouvelles ambiances.

L'objectif n'a pas été de garder précieusement les clients et l'offre existante comme un acquis mais au contraire d'être dans la surprise, le renouvellement, la séduction, l'innovation. Le concept s'est nourri de ces changements.

 

Posez-vous les bonnes questions

Plutôt que de vous poser la question d'augmenter ou pas de 3 % vos prix au 1er janvier prochain, prenez le temps de faire un audit de votre restaurant et posez-vous quelques questions.

• Mon offre, mon concept a-t-il vieilli ? 

• Dans ma zone commerciale, quelles sont les offres, ne sommes-nous pas trop sur le même segment de prix, de type de cuisine, de clientèle ?

• Mes clients du midi veulent plus de rapidité, plus de produits locaux, plus de naturel ? Comment puis-je faire évoluer mon offre ?

• Quelle est ma clientèle ? Mon établissement est-il adapté aux jeunes, aux mamans, aux gens seuls, aux seniors ?

• Les clients du soir veulent plus de dépaysement, une offre différente : viendrais-je avec mon conjoint passer une soirée dans mon restaurant ?

• Quelles sont mes offres selon les différents moments de la journée ?

• A contrario, est-ce que je ne suis pas trop généraliste et n'aurais-je pas intérêt à me consacrer à un segment de marché plus restreint, en le faisant mieux, en simplifiant et communiquant plus facilement sur mon offre ?

• Quelle est la valeur d'accueil, de gentillesse, de convivialité de mes équipes ?

• Quelle est ma force de présence sur le plan local ? Suis-je connu des leaders d'opinion, des associations, des journalistes locaux, des producteurs ?

• Si je n'existais pas, est-ce qu'il manquerait quelque chose localement ? Qu'est ce qui pourrait me rendre indispensable ?

 

S'inspirer des concepts qui fonctionnent

N'hésitez pas à aller voir ce que font les leaders de votre région. Chacun a des moyens et des compétences différentes, mais observez comment les grands restaurateurs se développent. Par exemple, Gérald Passedat [chef 3 étoiles Michelin au Petit Nice à Marseille, NDLR] vient d'ouvrir au MuCEM, une nouvelle table, La Cuisine, avec une formule buffet à partir de 17,50 €. On y trouve des facteurs clefs de succès parfaitement maîtrisés :

- un environnement moderne, clair, agréable, esthétique ;

- un choix très limité avec un buffet pour les entrées et les desserts qui allège considérablement la tâche du personnel et fait gagner en rapidité le service ;

- un choix de deux plats et d'un seul cru de vin dans les trois couleurs ;

- deux formules plat entrée ou dessert et entrée plat dessert ;

- une cuisine locale réalisée avec des produits de Provence, devant le client.

Gérald Passédat, McDonald's : des concepts et des offres très différentes mais qui chacune ont trouvé les clefs du succès qui leur permettent d'être incontournables."


Publié par Jean-François Sautereau



Commentaires
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pmgb47

mardi 27 août 2013

Excellente et pertinente analyse qui devrait servir de livre de chevet pour les chefs d'entreprise de la restauration collective et commerciale.

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