Ils n'ont parfois que vingt ans, mais déjà des idées plein la tête et l'envie de se lancer. Créer leur établissement, être leur propre patron, tenter l'aventure. Seul ou à plusieurs, dans leur ville natale ou à Paris. La crise ? Ils en sont conscients. Mais ils partent du principe qu'ils vont opter pour un concept original, inédit. Celui qui va d'emblée les démarquer de la concurrence. Bien souvent, ils profitent de leurs années de formation pour affiner leur business plan. "Le contenu de notre mémoire de bachelor manager de restaurant à Ferrandi, soutenu en novembre 2012, c'était la création de notre fromagerie-restaurant à Paris", explique Matthieu Legal, 24 ans, associé dans ce projet avec sa compagne Morgane Thomas, 26 ans, issue de la même promo que la sienne. "Nous avons accepté qu'ils préparent un mémoire en commun, afin de les aider, par nos conseils, à s'installer au plus vite", explique-t-on à Ferrandi, L'École de gastronomie française (Paris, VIe). Un coup de pouce qui a fait mouche. L'Affineur affiné a ouvert ses portes en février dernier, rue Notre-Dame de Lorette, dans le IXe arrondissement (voir encadré).
À 20 ans, elle crée des chambres d'hôte
Marine Tlattla, elle aussi, a sauté le pas : quitter la vie d'étudiante pour créer des chambres d'hôte dans un village voisin du pont du Gard (30) dont elle est originaire. Étudiante de Vatel à Nîmes (30), elle a terminé sa troisième année. Et, depuis juillet, elle s'est lancée dans la vie active, à tout juste 20 ans. "Je n'ai jamais aimé les hôtels standardisés. Je préfère les adresses de charme, personnalisées, les petites structures de quelques chambres", confie-t-elle. Pour être certaine de son choix, elle a profité de ses stages durant son cursus à Vatel pour travailler à l'hôtel Au coin du feu, à Megève (74), et au Guanahani à Saint-Barthelémy. Deux établissements de renom, aux profils très différents. "C'est plutôt le côté cosy du Coin du feu qui m'attire", commente Marine Tlattla. Ce qui l'a confortée dans sa volonté de créer des chambres d'hôte dans un site atypique : "Le mas où je vais ouvrir ces chambres est adossé à une église du XIe siècle."
Une opportunité immobilière et familiale
En 2012, Thibault Année était prêt à partir travailler à l'étranger. C'est une opportunité immobilière et familiale qui a bousculé ses projets. "Une maison était à vendre juste à côté du Comptoir du voyageur, une boutique de déco-salon de thé que ma mère tient à Blonville-sur-mer (14)", raconte le jeune homme de 23 ans . La tentation était grande de récupérer ce local pour en faire une annexe. L'étudiant, en cinquième année à l'école Vatel de Paris, a succombé. "Nous avons racheté cette maison, où je viens de créer un restaurant à mi-chemin entre la brasserie, la crêperie et le salon de thé, puisque désormais la boutique ne proposera plus de collations." Un vrai pari. Mais l'étudiant est motivé : il a supervisé tous les travaux, l'organisation de la salle, rencontré les producteurs locaux et imaginé une carte attrayante "à des prix cohérents".
Un apport personnel d'environ 40 % du montant emprunté
Déterminés, ils croient tous à leur projet. Mieux : certains pensent déjà à le dupliquer ailleurs, si le succès est au rendez-vous dans les mois qui viennent. Toutefois, tous reconnaissent que sans le soutien de leur famille, la partie n'aurait pas forcément été gagnée. Un soutien moral, bien sûr. Mais aussi financier. "Pour une première affaire, les banques demandent d'avoir un apport personnel d'environ 40 % du montant emprunté", détaille Matthieu Legal. Un gouffre, surtout pour un étudiant en fin de cursus. C'est là que, souvent, la famille entre en jeu. Dans le cas de Marine Tlattla, la maison où elle crée ses chambres d'hôte est une demeure de famille. Pour Thibault Année, son projet s'inscrit dans une logique d'entreprise familiale. Matthieu Legal et Morgane Thomas, eux, confient : "La famille a prêté, ce qui nous a permis de diviser par deux le montant de notre investissement. En outre, nous avons eu la chance de trouver un local sans avoir à racheter de fonds de commerce." À cela s'ajoute le profil des jeunes entrepreneurs. "Outre l'argent que l'on peut mettre sur la table, les banquiers sont également sensibles à notre expérience, notre sérieux, l'école dont on sort. Dans notre cas, le fait d'avoir consacré notre mémoire à notre projet a été un plus, c'est certain", poursuit Matthieu Legal. Et pour cause : le business plan y était bien ficelé, "avec une hypothèse haute et une basse". De quoi rassurer et convaincre.
Troquer le statut d'étudiant contre celui de chef d'entreprise donne tout de même un peu le vertige. "J'avais hâte de débuter, même si j'avais un peu d'appréhension, reconnaît Marine Tlattla. Mais qui ne tente rien n'a rien !" Même son de cloche du côté de Blonville-sur-mer : "J'ai eu de la chance, car nous avons eu un bel été. Du coup, la terrasse du Comptoir du voyageur, qui compte une soixantaine de couverts, a très bien marché", confie Thibault Année. Quant à Matthieu Legal, après six mois d'ouverture de l'Affineur affiné, il a déjà des habitués et sa boutique a fait l'objet d'articles sur internet. Ajoutons à cela un corps enseignant qui garde un oeil bienveillant sur les jeunes entrepreneurs. Certains continuent même de dispenser leurs conseils : "à Vatel, mes professeurs me soutiennent et m'encouragent. Je peux leur poser des questions, les interroger sur les écueils à éviter", souligne Marine Tlattla.
"J'ai cumulé les casquettes"
"En période de crise, les médias parlent des jeunes au chômage, mais rarement de ceux qui se lancent dans la création d'entreprise : c'est dommage", regrette Thibault Année. À l'issue de sa première saison d'été à Blonville-sur-mer, il reconnaît que cette expérience lui a beaucoup apporté : "Dans cette aventure, j'ai été à la fois gestionnaire, comptable, directeur marketing, DRH… J'ai cumulé les casquettes et j'ai appris chaque jour un peu plus." Malgré cela, il veut aller plus loin. Mi-octobre, il a prévu de partir trois semaines en vue de démarcher des hôtels en Floride. "Je souhaite partir aux États-Unis ou en Angleterre pour découvrir d'autres manières de travailler." Pour l'heure, il est en train de boucler la comptabilité du Comptoir du voyageur, "afin de passer, ensuite, le relais à mes parents".
Publié par Anne EVEILLARD