La création du Centre français d'innovation culinaire (CFIC) est venue d'un besoin de recherche auquel ne pouvait répondre la cuisine d'un restaurant. "La cuisine est faite pour des plats aboutis", selon le chef Thierry Marx, deux étoiles Michelin au Mandarin Oriental. Grâce au soutien de Sylvie Retailleau, doyen de l'université d'Orsay (91), la cuisine a dorénavant accès aux instruments et à la connaissance des scientifiques. Chercheur en physico-chimie, gourmand et attiré depuis toujours par la cuisine, Raphaël Haumont sollicite le chef Thierry Marx il y a huit ans. Il passe alors plusieurs semaines dans son restaurant de Cordeillan-Bages (33) et comprend que, grâce à la cuisine, il va pouvoir approfondir sa passion : le côté exploratoire de la matière. La collaboration se poursuit entre les deux hommes à l'occasion de séances de recherche dans les cuisines du chef, au laboratoire du chercheur, et lors de démonstrations auprès d'étudiants ou à l'Omnivore Food Festival de Deauville en 2011. Raphaël Haumont avoue que la notoriété et la sincérité de Thierry Marx, "qui attire à lui seul 550 personnes dans un amphi", ont pesé dans la validation du projet par l'université. "Son investissement permet des applications très concrètes. Pour des étudiants investis dans la recherche, c'est important, cela permet de voir tout de suite les effets et de donner un intérêt supplémentaire à leur travail." Entre l'université et l'artisanat, le chef et le chimiste veulent créer une proximité, une compréhension et une force. "Je souhaite que les personnes de mon équipe comme les étudiants ressentent qu'en France, malgré tout ce qui est dit, on n'est pas à la traîne et qu'on peut représenter une vraie force de produits, de connaissances et de transmissions", ajoute Thierry Marx.
La gastronomie moléculaire, un outil de connaissance
Thierry Marx veut le faire entendre, "la gastronomie est un univers d'amour et de partage avec un tourbillon de mots fantasmés. Quand on ajoute le mot moléculaire, cela fait peur. Mais il faut arrêter de croire à des sornettes, la gastronomie moléculaire n'est pas un style de cuisine ni une mode, c'est un outil de connaissance. Lieu de sourcing et de réflexion sur la cuisine du futur, le CFIC va permettre d'explorer des connaissances, d'innover au-delà de l'assiette et de porter un regard différent sur le produit." Les projets sont nombreux. Par exemple, un jardin potager sera créé au printemps pour les élèves qui viendront arracher les légumes afin de comprendre d'où ils viennent, avant de les cuisiner au laboratoire. "Il y a de plus en plus de demandes d'enseignants à ce sujet. Cela va d'abord s'adresser aux collégiens, mais on aimerait aussi s'adresser aux élèves de classes primaires", ajoute Thierry Marx.
Du côté des professionnels, le CFIC est en contact avec des grands groupes agro-alimentaires, car la recherche est également destinée à l'industrie. "Le CFIC s'inscrit dans la recherche de bien-être et de nutrition, avec des réponses apportées aux questions que les industriels doivent se poser, par exemple sur les moyens de diminuer le sucre et les matières grasses dans les produits manufacturés pour enfants." À l'occasion du prochain festival Omnivore Paris, le duo va présenter des points de recherche aux chefs, "un partage et un échange que l'on va continuer dans le cadre de sessions qui se tiendront une fois par trimestre autour d'un thème, comme la cuisson sous-vide, la cryoconcentration, le pH des produits. L'idée est que chaque professionnel s'approprie ce dont il a besoin", précise Thierry Marx.
Publié par Caroline MIGNOT