Roland Passot : À coup sûr le Farm to Table ! Dans les années 70, la haute gastronomie française régnait aux Etats-Unis. Lorsque tout jeune je suis arrivé aux USA, j'ai commencé dans un restaurant français à Chicago. Tous les produits provenaient de Rungis : poissons, framboises, fraises, champignons, truffes… ! En 1980, je suis arrivé en Californie du Nord. J'étais chef du restaurant Le Castel. Là encore, on importait nos produits. Et j'ai entendu parler d'Alice Waters et de Jeremiah Tower, propriétaire du Stars. Ils avaient trouvé des fermiers qui étaient prêts à faire des produits pour les chefs. Beaucoup de chefs se sont dit que c'était une mode et que ça ne durerait pas. J'ai pensé exactement le contraire. En ouvrant mon propre restaurant La Folie, j'ai adopté cette tendance, dont je sentais qu'elle allait conquérir le public. Ces produits locaux, je les utilisais dans une cuisine française revisitée franco-californienne. Depuis ce jour, je pars faire les marchés avec mes chefs et nous composons ensemble les menus à partir de produits locaux de saison.
Qui sont aujourd'hui vos clients et quelles sont leurs attentes ?
Le boom de la Tech a eu un véritable impact. Aujourd'hui nous avons une clientèle de plus en plus jeune, souvent novice en termes de haute gastronomie. Les foodies de la Tech ne mangent pas chez eux, ils essaient tout type de cuisine (japonaise, indienne, française). Nous nous sommes donc adaptés en proposant une cuisine classique et moderne à la fois, avec des touches interculturelles (épices mexicaines, sauces japonaises…). Il faut évoluer avec cette jeunesse, ne pas se fermer, le futur de la cuisine, c'est eux !
Vous dites que vous n'avez plus de concurrents français qui proposent une cuisine gastronomique à San Francisco. Est-ce à cause de leur manque d'adaptation face à ce changement ?
Oui, ceux qui ont décidé de conserver leurs habitudes, avec leurs menus exclusivement français à partir de produits importés n'ont pas pu tenir et ont tous mis la clef sous la porte. Je suis le seul dans mon domaine. Mes concurrents sont américains. Il y a donc de la place ici pour les jeunes Français.
Recrutez-vous des candidats venant de France ?
Oui, La Folie recrute. Il faut donner sa chance à la nouvelle génération. J'aime former les talents. Cela me permet aussi d'évoluer au contact de regards innovants, d'apporter des touches inédites au style de ma cuisine. Je suis donc ouvert aux candidatures, y compris et peut-être surtout celles venant de France, car la formation française est sans égale. Qu'ils viennent me voir, je les aiderai. Et la Chambre de Commerce Franco-Américaine (FACCSF) sera là pour les conseiller, quel que soit leur projet.
Comment soutenez-vous la communauté française localement ?
Je soutiens la FACCSF qui fait un travail promotionnel exceptionnel pour toute la communauté entrepreneuriale franco-américaine de San Francisco, la baie et la Silicon Valley, notamment grâce à son équipe dynamique dirigée par Sophie Woodville. Il faut savoir que la communauté française ici compte près de 60 000 ressortissants français et que de nombreuses entreprises françaises (déjà établies ou start-ups) la compose. Johanne Mamet, directrice des événements à la Chambre de Commerce Franco-Américaine de San Francisco joue aussi un rôle très important dans cette activité promotionnelle et organise notamment plus de 100 événements par an.