Au comptoir de son nouveau restaurant, L'Amico, à Manhattan, Laurent Tourondel est un brin fatigué. Il ne dort déjà que quelques heures par nuit, mais il a, en plus, du mal à se remettre d'un voyage la semaine passée à Almaty, au Kazakhstan, où il possède un grill depuis l'an dernier. "Onze heures de décalage horaire", soupire-t-il.
Pourtant, le natif de l'Allier (devenu citoyen américain) a tout du chef infatigable. L'Amico est son 40e restaurant - "sans doute l'un des plus fins", dit-il. C'est aussi son premier italien. Une nouvelle aventure culinaire pour ce touche-à-tout, adulé des 'foodies' new-yorkais, qui a donné dans le steakhouse, le burger, les fruits de mer et le sushi dans ses vies antérieures. "J'aime bien apprendre de nouvelles choses. Parfois, quand je vais au restaurant, je découvre des plats que je ne sais pas faire. Je veux les comprendre."
Disciple de Troisgros
Avant d'arriver aux États-Unis, à 25 ans, cet ancien du l'école de cuisine Saint Vincent à Montluçon (Allier) a travaillé dans plusieurs établissements de renom, dont le Relais & Châteaux de la famille Troisgros, et avec de grands chefs comme Joël Robuchon et Jacques Maximin au restaurant Ledoyen.
Dans les années 1990, Claude Troisgros lui confie la cuisine de son nouveau restaurant new-yorkais, C.T. Avec Laurent Tourondel comme chef exécutif, il obtient trois étoiles du New York Times.
Après un passage de deux ans au Caesar's Palace de Las Vegas, Laurent Tourondel revient à New York, aux fourneaux de Cello, restaurant de fruits de mer surnommé 'le petit Bernardin'. Une fois de plus, il décroche les trois étoiles du New York Times, mais le restaurant ferme en 2002.
De retour à New York après avoir sillonné le monde, il lance la chaîne de restaurants BLT (Bistro Laurent Tourondel), un groupe qui compte des steakhouses raffinés, des restaurants de produits de la mer et un autre spécialisé dans les produits de saison. Ce dernier - BLT Market - a vu le jour au Ritz-Carlton, une filiale du groupe Marriott, suite à la visite de Bill Marriott en personne, venu manger dans l'un des BLT.
Nouveaux projets
Mais cette ascension ne s'est pas faite sans revers. En 2010, le chef s'est retrouvé empêtré dans un bras de fer judiciaire fortement médiatisé avec son associé, le financier Jimmy Haber, avec lequel il gérait 17 restaurants BLT. En 2011, il finit par conserver le droit d'utiliser son nom pour l'ouverture de futurs restaurants. Il rebondit en se lançant dans le burger haut de gamme, avec LT Burger (pour Laurent Tourondel Burger) ouvrant un restaurant en 2012 en bordure de Bryant Park. "Cet épisode m'a rendu plus fort sur le plan du business, de la confiance en soi."
Le menu, où l'on trouve bien plus que des pizzas, est de "l'italien américanisé", glisse le chef, dont la grand-mère était italienne. Son prochain restaurant pourrait donc être complètement diffèrent. Insatiable, il explore de nouveaux concepts : "le sushi traditionnel mais créatif", ou encore "la cuisine saine, sans beurre ni huile, sans graisses végétales ou animales, avec des bouillons assaisonnés d'épices, de soja, d'herbes". Laurent Tourondel n'est pas près de se remettre du décalage horaire.
Publié par Alexis Buisson, correspondant à New York