"La valeur de l'excellence me guide. C'est
le message que je veux faire passer à mes collaborateurs. En tant que
cuisinier, on doit savoir faire la différence entre le bon et le moins bon et
ne pas transiger avec la qualité des produits. C'est pour cela que je suis
toujours à la recherche de fournisseurs qui donnent le meilleur d'eux-mêmes. J'ai
voulu être cuisinier dès l'enfance, j'ai passé un CAP à l'école hôtelière de
Strasbourg et me suis formé au buffet de la gare. J'y ai appris les bases
de la cuisine française, ça a été passionnant. Mais le style, c'est moi qui me
le suis donné. Jeune cuisinier, j'ai démarché les grandes maisons, sans succès.
Cette confiance que je ne sentais pas chez les autres, cela me donnait des
forces intérieures. Je n'ai alors fait référence qu'à moi-même et, à 23 ans, j'ai
acheté un fonds de commerce, un restaurant où les ouvriers venaient manger en
semaine et les familles le dimanche. C'était vingt-cinq ans avant que n'arrivent
les trois étoiles au Buerehiesel.
Se donner du temps
Je n'étais pas pressé et mon souhait le
plus cher n'était pas d'avoir trois étoiles. Je n'étais jamais confronté à
cette cuisine de haut vol. Dès que j'ai pu, je suis allé dans de grands
restaurants et je me suis ouvert à la modernité du métier. C'est ainsi que je n'ai
pas voulu mettre trop d'éléments dans une assiette. La passion de la cuisine ne
me lâchait jamais. Je cuisinais quand je me réveillais la nuit, sur mon vélo la
journée, car je suis aussi un fêlé de bicyclette. Il m'arrivait de penser
poireau pendant trois heures en pédalant. Et quand je retournais dans ma
cuisine, il y avait une idée qui jaillissait. Ce sont des habitudes gagnantes
que je me suis promis de ne jamais changer. Il faut donner du temps à autre
chose qu'à son métier. L'homme a besoin de prendre du recul pour pouvoir mieux
accélérer.
L'arrivée à Paris
Après avoir tant donné, j'ai eu besoin de
changer de vie. Les trois étoiles, c'était de la haute couture, de la dentelle,
j'ai eu envie d'exprimer plus de simplicité et que ce soit accessible à plus de
monde. Il y avait mon fils, Eric,
qui travaillait avec moi à Strasbourg et à qui j'avais envie de donner de la
liberté. J'étais heureux de sa décision de garder le restaurant et de sa
réussite. Le restaurant Drouant (Paris, IIe) était à céder, je suis arrivé à
Paris, c'était en 2005. Il y avait eu aussi Le Vieil Ami sur l'île Saint-Louis
(Paris, IVe) en 2003. Quelques années plus tard, j'ai eu envie de faire quelque
chose de pas courant. J'ai ouvert Coq Rico (Paris, XVIIIe) en 2011, avec dans
chaque plat la présence de la volaille, mais en pensant que le client ne devait
pas s'ennuyer.
Coq Rico à New York
Je suis amoureux de New York et j'étais persuadé
que c'était là-bas que je pouvais prendre un plaisir à la hauteur de ma vie de
cuisinier. Le projet est né il y a trois ans de ma rencontre avec Francis
Staub qui avait aussi envie d'y faire quelque chose. Coq Rico devrait
ouvrir en octobre et j'ai la pétoche maintenant que ça s'approche. Mais je suis
heureux de me dire que le Coq va chanter là-bas tous les matins.
À New York, il
y a plein de très bons restaurants, mais peu traitent de la volaille. Je me
suis posé la question, y a-t-il moyen de trouver de beaux animaux ? J'ai
loué une voiture, j'ai visité des fermes dans la région et j'ai finalement
trouvé. Proposer du poulet plus cher que ce que les Américains ont l'habitude
de dépenser, c'est un risque. Ils sont prêts à dépenser de l'argent pour un
steak, mais vont-ils en faire autant pour de la volaille ? Le restaurant
proposera 17 recettes, dans un décor évoquant celui de Montmartre, en
ouverture 7 jours sur 7. Le chef est franco-américain, le directeur est un
de mes amis qui a accepté de me suivre et le maître d'hôtel a travaillé au Coq
Rico à Paris. Il y a huit Français dans l'équipe (40-45 personnes en tout). Je
vais donner du temps à l'ouverture, passer deux mois sur place. Antony
Clémot veille sur le restaurant de Paris."
Publié par Caroline MIGNOT