Il y a bientôt dix ans, Maxime Lebrun ouvrait avec sa femme Le Grand Bleu à Sarlat-la-Canéda (Dordogne), un
restaurant de 25 couverts auréolé d'une étoile Michelin. Mais après
des années à tout gérer lui-même - de la cuisine à l'électricité en passant par
la plomberie - le chef, notamment passé par la Tour d'argent, se sent à bout. "Mon
comptable me faisait remarquer que je perdais de l'argent en hiver, mais je m'entêtais
à vouloir ouvrir le restaurant à l'année. J'ai aussi rencontré des difficultés
avec mon personnel. Mes employés en CDI ont finalement démissionné, souhaitant
arrêter leur contrat après la saison estivale 2014. Soulagé des charges
financières, et avec un grand besoin de voir autre chose, j'ai décidé de fermer
le restaurant fin octobre pour quelques mois", raconte Maxime Lebrun.
Mais, financièrement, il n'a pas de visibilité. Aussi, quand son ami Éric
Sanson, chef des restaurants de l'hôtel de luxe Koh-I-Nor à Val-Thorens (Savoie),
lui propose de le seconder pour la saison hivernale, il accepte. "Cette
place de second me convenait très bien. Je remettais en question ma façon de
manager et je préférais donc assister un chef, pour pouvoir me mettre à la
place des employés. Recevoir des ordres, avoir des comptes à rendre, c'est
différent d'être chef !", souligne-t-il.
Il découvre un autre métier et un établissement d'une autre envergure
avec 80 couverts, 120 demi-pensions, et 24 cuisiniers et pâtissiers à
gérer. Bien que la distance avec sa famille soit difficile, Maxime Lebrun le
vit comme une expérience positive. "Sur le plan professionnel, j'ai pu
respirer. Pendant ces cinq mois, j'ai vécu mon métier avec plus de légèreté.
Cela m'a fait du bien de sortir de mon établissement, de ne pas être tout le
temps dans l'adversité."
Passer en statut saisonnier
À la fin de son expérience, au printemps 2015, Maxime Lebrun repense la
gestion de son restaurant, afin de vivre un quotidien moins stressant et rester
dans le plaisir de son métier. Il décide d'ouvrir Le Grand Bleu uniquement en
saison, du 15 avril au 30 octobre, et embauche en contrat saisonnier deux
cuisiniers rencontrés au Koh-I-Nor, ainsi qu'un plongeur et deux serveurs. "Avec
ce statut, les charges salariales sont moindres et il n'y a pas de prime de
précarité à verser, pas le stress du CDI… Cela me permet de payer un peu plus
mes employés. Finalement, avec ce changement de statut, je gagne autant en six
mois qu'en restant ouvert à l'année. Bien sûr, cela implique de faire de bonnes
saisons, mais je sais vivre avec peu, et je peux travailler ailleurs en hiver s'il
le faut. C'est aujourd'hui très difficile de subir la saison morte, mais avec
des salariés en CDI, on ne peut pas se permettre de fermer trois mois. C'est un
cercle vicieux", remarque-t-il.
Le chef est heureux de ce nouveau rythme, qui lui permet de consacrer
plus de temps à sa famille, de pouvoir faire des travaux, de développer plus d'échanges
professionnels…"J'ai l'impression d'être plus humain ! Quand on est
reposé, les choses sont plus faciles… les clients le ressentent." Le chef
débute une deuxième saison avec sa nouvelle équipe et a conservé son étoile.
Publié par Laetitia Bonnet Mundschau