Restaurateurs et pêcheurs : partenaires de la pêche durable dans le Var

SeaWeb Europe et l'Association des Pêcheurs Artisans du Var (APAM) ont organisé une rencontre entre des restaurateurs et des artisans pêcheurs autour de la pêche durable à Saint Raphaël (Var).

Publié le 26 mai 2014 à 13:40

Cette initiative a pour vocation de mettre en avant les actions locales et artisanales en faveur des ressources de la mer durables. Les parrains de ce projet sont Patricia Ricard, Présidente de l'Institut Océanographique Paul Ricard, et Olivier Roellinger, Vice-Président Relais&Châteaux au niveau national, ainsi que par Christophe Bacquié, Chef au Castellet, au niveau du Var. Cette journée a été l'occasion pour les chefs Philippe Le Gal (restaurant l'Excelsior à Saint-Raphaël) et Laurent Loosveldt (restaurant Chez Laurent au Lavandou) de partir en mer avec Serge Decugis et Sébastien Revert, pêcheurs aux Issambres et à Saint-Raphaël. Après la sortie en mer, tout le monde s'est retrouvé à l'Institut prom'hôte IFITEL pour déguster les fruits de la pêche matinale.

Déroulé de la journée

Elle commence sur des bateaux de pêche. Laurent Loosveldt se trouve sur le bateau de Sébastien Revert . Ce dernier est seul à la manoeuvre, sur son bateau de 12 mètres. Il fait partie des pêcheurs de la zone qui ont une approche responsable de leur métier. Ils travaillent avec des filets dont les mailles évitent les captures des juvéniles et sous l'impulsion de Christian Decugis, président de l'APAM, ils se sont volontairement privés de la meilleure zone de pêche pour préserver la ressource, le cantonnement du Cap Roux, car c'est une zone de frai. Il montre au chef ses techniques de pêche en déroulant et en relevant des filets de 400 à 500 mètres de long. La pêche est maigre seulement quelques poissons, des dorades, un calamar… Sébastien Revert explique : "Tous les ans, à cette période, lorsque l'eau de mer devient plus chaude, le plancton se développe rapidement et crée une sorte de boue gélatineuse, que nous appelons de la carnasse, qui se colle sur les mailles des filets. Ces derniers, au lieu de se déployer sur leurs 10 mètres de hauteur, alourdis, vont au fond et ne s'ouvrent que sur quelques mètres. Cela réduit considérablement leur efficacité. Ce phénomène dure quelques jours puis disparait, la pêche redevient bonne".

Un maître restaurateur ne travaille que du frais

Laurent Loosveldt explique à son tour qu'il est maître Restaurateur et ne travaille que du frais (excepté les cuisses de grenouille, les escargots et les gambas). Il s'approvisionne en poisson chez un grossiste. Il cuisine en particulier une spécialité locale : la Bourride. Proche de la bouillabaisse, c'est du poisson poché sans bouillon sans beurre et sans lait, avec 3 poissons blanc (selon arrivage), des moules de Tamaris et des crevettes. Le chef fait aussi de la soupe de poisson de roche, de la lotte de Bretagne, du cabillaud, de la dorade, des rougets et de la Saint Jacques venant d'Écosse.

Ne rien jeter

De retour sur terre, l'événement se poursuit à l'Institut Prom'Hôte Ifiter, à Saint Raphaël. Stephan Miso, qui en est le directeur pour la Délégation du Var accueille les participants et explique que "Dans ce buffet, nous vous proposons exclusivement des produits frais locaux, des poissons utilisés à 100%. Nous n'avons rien jeté, même les arêtes, que nous avons retirées, ont servi à faire des réductions pour les sauces. Le vin est de la région. C'est un excellent Bercail qui est médaillé d'argent. Nous avons préparé des sardines, des rouleaux de dorades farcis de petits légumes nouveaux et d'agrumes, des kumquats confits… L'huile d'olive est de l'huile d'olivette fabriquée par Claire Delnotte".

Associer pêcheurs et restaurateurs

Elisabeth Vallet de SeaWeb Europe, co-organisatrice de l'événement, annonce que "Nous lançons aujourd'hui un projet de trois ans, de 2014 à 2016, qui est dans la continuation du projet du Fond Européen pour la Pêche mené dans le Var l'an dernier. Ce projet vise à créer des opportunités de rencontres entre pêcheurs et restaurateurs pour valoriser les produits issus d'une pêche artisanale durable.  Il se déroulera en France et en Espagne. Il est parrainé par Patricia Ricard et Olivier Roellinger au niveau national et par Christophe Bacquié, au niveau du Var".

La pêche artisanale surclasse la pêche industrielle

Christian Decugis Président de l'APAM (association de pêcheurs du Var) et président du Groupe FEP Var déclare : "Ne sous-estimons  pas l'importance de ce qu'un ministre a appelé « les barques ». Les petits bateaux de pêche de moins de 12 mètres représentent 82 % de la pêche de l'Union européenne et avec ceux de moins de 16 mètres nous atteignons 88 %".

"Dans le monde entier la pêche artisanale à une production équivalente à la pêche industrielle autour de 30 millions de Tonnes. Par contre la pêche industrielle rejette 8 à 10 millions de captures accessoires pour seulement 1million de tonnes pour la pêche artisanale.  Seule la pêche industrielle est impliquée dans la capture des 35 millions de tonnes de poisson destinées à faire des farines animales. La pêche industrielle, ne fait vivre que 500 000 pêcheurs et pourtant elle recueille 5 fois plus de subventions que la pêche artisanale qui en fait vivre 25 millions. Avec  1 litre de pétrole, la pêche industrielle produit seulement 0,85 à 1,7 kilos de poisson alors que la pêche artisanale en produit de 3,4 à 6,8 kilos".

"Dans les outils de pêche le décalage est encore plus grand, certains chalutiers industriels utilisent des chaluts de fond pélagiques dans lesquels tiendraient jusqu'à 30 Boeings 747, ce qui n'a rien à voir avec nos filets de pêche artisanale. Il faut dire que pour certaines espèces les enjeux financiers sont considérables. Ainsi, au Japon, récemment, un Thon Rouge de 222 kg s'est vendu 1,5 millions d'euros".

"Nous, nous ciblons l'espèce que nous voulons pêcher avec les méthodes de pêche appropriées pour éviter les captures accessoires en adaptant le type de filet et la grosseur de la maille. Nous oeuvrons pour améliorer la qualité de notre pêche au niveau du mode de capture, de l'indication de la date de pêche et de la qualité du conditionnement".

Travailler avec ce que l'on a et être inventifs

Christophe Bacquié, MOF, chef exécutif à l'Hôtel du Castellet (Relais et Châteaux), très axé sur les produits de la mer dans son restaurant explique qu'"Il est important dans la restauration de s'apercevoir du rôle que les cuisiniers ont à jouer pour favoriser une pêche durable. D'expliquer aux jeunes le risque de la disparition de certains poissons. Lorsque j'ai signé la charte Relais et Châteaux qui supprimait le Thon Rouge de nos cartes j'ai craint de choquer mes clients. En fait cela s'est fait du jour au lendemain sans aucun problème. Lorsque l'on  explique à nos clients, les raisons, ils comprennent parfaitement. Je travaille des espèces comme la Vive ce qui est rare dans les 2 étoiles où l'on trouve plutôt du Loup et du Turbot et mes clients apprécient. J'aime partager ma passion de la pêche et des poissons avec des jeunes, des anciens, rencontrer des pêcheurs. Lorsque l'on est cuisinier il faut se bouger, travailler d'autres espèces,  utiliser d'autres méthodologies de cuisson, s'inspirer de celles pratiquées au Japon, être inventif pour ne rien jeter tout utiliser même les arêtes pour faire des fumés. Aujourd'hui il faut inverser la tendance, en choisissant de travailler avec ce que l'on a et non plus avec ce que l'on veut. Notre relation avec les pêcheurs, ce n'est plus : je veux de la sole, du bar, du loup, mais qu'avez-vous aujourd'hui à me proposer pour mes clients ? Et travailler avec le produit que l'on trouve localement en fonction de la saison".

Soyons les pionniers de la solution

Patricia Ricard conclut : "L'Institut Océanographique Paul Ricard conduit de nombreuses actions de préservation du milieu marin et de la petite pêche côtière.  Il a contribué à la mise en place d'un moratoire pendant 10 ans sur la pêche au Mérou. Lors de sa création, dans le parc de Port Cros, il ne restait que 4 Mérous, actuellement ils sont 900".

"Nous avons également développé une Oursinière, pour protéger les oursins. Ces animaux filtreurs étaient victimes de virus provenant de la pollution de l'eau de mer. C'est une écloserie inscrite dans une économie circulaire. L'écloserie contribue à une économie positive, les oursins sont une espèce très bonne à manger et bien valorisée, mieux ils recyclent l'eau et apportent des services à l'écosystème, en permettant à la mer de rester vivante (en captant du CO2). Nous devons nous orienter vers l'aquaculture durable et raisonnée, il existe des poissons omnivores à forte valeur ajoutée qui présentent d'excellentes qualités nutritives. Il faut rechercher l'excellence et le plaisir. S'inspirer du bio mimétisme".

"C'est avec les missions Apollo que nous avons pris conscience de notre  planète bleue. Il n'y avait sur terre qu'un milliard d'habitants à l'époque de Napoléon,  actuellement, en une seule génération, la population s'accroit d'un milliard d'habitants, nous sommes déjà 7 milliards et bientôt probablement 10 milliards. Notre consommation par personne est démentielle. Pour produire une paire de chaussures il faut 50 000 litres d'eau ? Nous devrions nous inspirer de la nature : nous transformons l'harmonie en chaos alors que la nature met de l'harmonie dans le chaos. Nous devons faire local à plusieurs, lentement, sans gâcher, la nature est géniale, éco systémique. Nous ne sommes pas tous seuls, regroupons nos talents soyons les pionniers le début de la solution".


Publié par Jean-Luc Fessard, Transition Verte et Bleue et Auteur du Blog des Experts



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