En cas de redressement judiciaire, l'entreprise poursuit son activité et
les salariés sont toujours en poste. Néanmoins, l'entreprise va mal. Elle est
endettée et n'arrive pas à payer ses créanciers (Urssaf, fournisseurs, banques,
bailleur...). C'est la raison pour laquelle un administrateur judiciaire a été
nommé. Son rôle : établir un remboursement échelonné des créanciers.
Malgré cela, la cession du fonds est possible dans le cadre d'un plan de
cession. L'interlocuteur du repreneur ou de son conseil est alors l'administrateur
judiciaire. Celui-ci le renseigne sur l'entreprise et il fixe une date limite
(jour et heure) pour déposer une offre. "Faire une offre dans ce contexte, c'est l'occasion
de reprendre un fonds dont la valeur subit une décote de 20 à 30 %. Mais
il faut disposer des capitaux nécessaires car le repreneur devra supporter
beaucoup de dépenses les premiers mois. Nous ne proposons ce genre d'affaires
qu'à nos clients qui sont déjà chefs d'entreprise et dont nous savons qu'ils
ont les moyens financiers de la reprise", précise Ali Talla,
spécialiste de la reprise d'entreprises en difficulté chez Century 21 Horeca
Paris.
Vigilance et trésorerie
En effet, en tant qu'acquéreur, vous reprendrez le fonds de commerce, mais
aussi parfois certains salariés, et les contrats attachés au contenu du fonds (contrats
avec les fournisseurs, bail commercial...). Dès lors, la rédaction de votre
offre et sa présentation ont une importance cruciale, tout autant qu'une
analyse du fonds de commerce dans sa dimension juridique. "L'étude du bail
commercial et ses conditions d'exécution, de même que l'existence de biens
grevés de privilèges - comme une machine financée par la banque garantie
par un nantissement - sont des points essentiels à clarifier en amont", assure
Céline Chevillon, avocate associée
du cabinet Varoclier et co-auteur de Accompagner
le chef d'entreprise en difficulté (éditions Lexis Nexis, collection
Affaires Finances). "Nous savons mesurer la portée de certains éléments
juridiques de nature à engager le repreneur au-delà de ce qu'il imagine au
premier abord, nous le conseillons dans l'étendue de son offre qui devra
notamment répondre aux trois critères légaux, à savoir : le maintien de
tout ou partie des activités de l'entreprise, celui de tout ou partie des
emplois, et l'apurement du passif", renchérit François Meurin, avocat associé au sein du cabinet Touraut à Meaux.
S'agissant du personnel, le cessionnaire doit préciser dans son offre les
salariés qu'il envisage de rependre et les postes concernés. Le jugement du
tribunal reprendra les dispositions de l'offre retenue et l'administrateur
judiciaire licenciera les salariés non repris. "L'offre devra justifier la
sélection des postes conservés, la rendre cohérente dans le prévisionnel et
démontrer en quoi cela assurera la pérennité de l'activité. Dans les faits, le
tribunal a tendance à privilégier les offres assurant le maintien de quelques
emplois, comparé à un prix plus élevé sans reprise de poste", poursuit
François Meurin.
Transparence
Sauf cas exceptionnel, vous ne serez sûrement pas le seul à présenter une
offre. L'administrateur va retenir uniquement celles qui ont été remises dans
le délai imparti. Il les transmet au greffe du tribunal, où elles deviennent
publiques, et il rédige son rapport qu'il présentera au tribunal. Quinze jours
minimum doivent séparer l'expiration du délai de remise des offres et l'audience
du tribunal. Pendant ce délai, les repreneurs peuvent comparer leurs offres
respectives, et donc améliorer la leur (sous condition de la remettre au plus
tard deux jours ouvrés avant l'audience). "Cette transparence est un
véritable atout pour le repreneur qui pourra ainsi ajuster sa stratégie de
reprise", explique Céline Chevillon.
Attention ! Votre offre vous engage à reprendre l'activité en l'état
dans les conditions que vous présentez. Impossible de soumettre la reprise à
une condition d'obtention du crédit, ni de négocier après coup le prix à la
baisse. Vous devez être en possession le jour de l'audience d'un chèque de
banque ou d'une garantie bancaire de la totalité de prix.
Solennité
Chacun des candidats à la reprise présentera son projet lors d'une audience
privée présidée par le juge et réservée aux personnes convoquées parmi
lesquelles se trouvent le procureur de la République, l'administrateur
judiciaire, le dirigeant défaillant, le représentant des salariés et le
mandataire judiciaire qui représente les intérêts des créanciers, tous vêtus de
la robe noire propre aux professions judiciaires. Face à tant de solennité, un
repreneur non averti peut facilement se sentir mal à l'aise pour argumenter sa
proposition. L'assistance d'un conseil peut être appréciée. Le tribunal se
déterminera en fonction du prix proposé, de la solvabilité du candidat, de la
qualité du projet d'entreprise, et de l'aspect social (postes salariés
maintenus). C'est par un jugement d'homologation qu'il autorisera la cession au
repreneur sélectionné. L'acte de cession qui met fin à cette procédure
particulière de cession est rédigé par le conseil de l'acheteur quelques mois
plus tard. Mais l'entrée en jouissance se fait à la date du jugement.
Publié par Tiphaine BEAUSSERON